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De l'Amazonie brésilienne aux instituts de beauté : la route du murumuru

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5 nov. 2015

Au cœur de la forêt amazonienne, Alexandre ramasse une à une les noix de murumuru tombées du palmier, un oléagineux tropical aux propriétés miraculeuses pour les cheveux et qui aide les autochtones à améliorer leurs revenus.


Des noix de murumuru - AFP


« Quand je suis arrivé ici il n'y avait rien », raconte Alexandre Amaral da Silva, un agriculteur quinquagénaire au visage buriné par le soleil dans le hameau de Providencia, à plus de 700 km de Manaus, la capitale de l'Etat d'Amazonas (nord).

Sur les berges de la rivière sinueuse Jurua, une poignée de maisons en bois montées sur pilotis se détachent dans la forêt vierge.
Un essaim d'enfants se précipite chaque fois qu'un bateau à moteur arrive dans ce hameau fondé il y a 20 ans par Alexandre et sa famille. Il se trouve à trois heures de bateau de la ville la plus proche, Carauari (25.000 habitants).

« Au début nous ne savions pas à quoi servaient ces noix, elles ne nous faisaient que mal aux pieds », se remémore l'agriculteur sous le palmier de murumuru, plein d'épines et qui peut mesurer jusqu'à 15 mètres de haut.

Mais depuis quinze ans, les familles qui vivent sur les berges du Jurua, comme celle d'Alexandre, ont amélioré leur revenu avec la vente des noix de murumuru, l'un des ingrédients que la multinationale brésilienne de cosmétiques Natura utilise pour ses produits.

Alexandre recueille les noix qui, quand elles sont sèches, tombent par terre. Après, sa femme Maria Terezinha prend le relais pour les casser et séparer la coquille du fruit qu'elle garde dans un sac de jute.
Pour une famille de la région, les gains peuvent atteindre jusqu'à 1.800 réais (460 dollars) par an, une petite fortune pour ces gens qui vendent les noix à une coopérative locale. Elles sont ensuite traitées pour devenir du beurre, l'ingrédient principal qui, grâce à sa composition chimique, aide à restaurer les fibres endommagées des cheveux.

Au Brésil, l'industrie de la beauté est en pleine expansion malgré la récession économique. Le marché des cosmétiques brésiliens a progressé de 11 % en 2014 et est déjà le troisième du monde, derrière les Etats-Unis et la Chine.

« Un peuple libéré »

Natura, au chiffre d'affaires de 7,4 milliards de reais en 2014 (près de 2 milliards de dollars au change actuel), travaille actuellement avec 400 familles dans la réserve du moyen Jurua.

Bien que le ramassage des noix ne constitue pas leur source principale de revenus et dépende de chaque récolte, il l'améliore considérablement, explique Carlos Koury, directeur de l'ONG Institut de Conservation et développement durable d'Amazonas.

Selon les chiffres officiels, le revenu annuel per capita à Carauari est de 2.600 reais (660 dollars au change actuel), dans cette région qui est l'une des plus pauvres du pays. Parmi les habitants des berges du Jurua, à peine la moitié sait lire et écrire, selon Natura.

Au départ, la région produisait du caoutchouc mais avec le déclin de ce secteur elle dû se reconvertir. La culture du manioc et la pêche sont devenues les principales activités.

Jusque dans les années 1980 les habitants dépendaient économiquement des dénommés « patrons » : des commerçants qui imposaient leur rythme de production aux agriculteurs et sous-payaient leurs produits.

Les habitants se sont organisés et ont créé en 1991 l'Association des producteurs ruraux de Carauari (Asproc). « Avant on achetait la boîte de lait en poudre à 12 reais (trois dollars), maintenant nous l'obtenons à six », se félicite Flavio do Carmo, président de l'Asproc.

Ils ont aussi créé un système de commerce équitable pour approvisionner les cantines locales avec des produits apportés de la ville, que les habitants peuvent acheter en argent ou au moyen du troc de leurs propres produits. Ce système a doublé le pouvoir d'achat des familles.

« Aujourd'hui, ils peuvent se considérer comme un peuple libéré », affirme Rosi Batista, chef de la réserve du moyen Jurua de l'Institut Chico Mendes, une organisation écologique publique.

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