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Marguerite Capelle
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8 févr. 2018
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Saines bacchanales chez Raf Simons

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Marguerite Capelle
Publié le
8 févr. 2018

Malgré l'inspiration puisée dans le film culte berlinois Christiane F. et un décor évoquant des bacchanales contemporaines, la dernière collection de Raf Simons était avant tout profondément moderne, de la haute couture pour un mode de vie sain.


Godfrey Deeny


De la haute couture, au sens où Raf Simons a recouru aux plus beaux tissus et finitions, coupant, drapant et perforant le tout avec abandon, à l'occasion d'un défilé très expérimental qui parvenait cependant à être facile à porter, chic, cool et contemporain.

Dans un espace industriel faiblement éclairé, un mercredi soir froid et humide dans le West Side, les mannequins ont défilé autour d'un décor de dîner chic, regorgeant de coupes géantes contenant des citrons, des pommes et des poires, de chocolat (belge, bien sûr), de meules de fromage géantes et de monceaux de pain paysan, et des centaines de bouteilles de vin, du champagne Piper au Syrah californien. Rien que des millésimes hautement respectables, tout comme la collection.

Raf Simons a imaginé une toute nouvelle pièce vestimentaire, un pull/écharpe en tricot à losanges et torsades, qui avait beaucoup de piquant. Ses manteaux style cape – dont certains à carreaux, à la Sherlock Holmes – étaient tous excellents, avec en guise de finitions des poches latérales larges de trente centimètres et une doublure en satin façon champion de boxe. Plus spectaculaires, des vestes oversize portées avec des gants en cuir de femme fatales remontant jusqu'au coude, ainsi que de nouvelles montres high-tech et des casaques à capuche – c'est-à-dire le costume typique du toxico. Ces dernières étaient portées sur des pantalons affûtés, de style sportif, rentrés dans des bottes de pluie en caoutchouc avec des lacets dentelés. L'allure était pimpante, urbaine très chic, et le spectacle était porté par un éclairage très théâtral à base de faisceaux lumineux, et une bande son techno sur laquelle figurait de la musique russe, belge et de Chicago. Le défilé s'intitulait « La jeunesse en marche ».

La moitié des silhouettes présentaient des mots en gros caractères en guise de finitions : notamment Drugs (drogues), XTC (extasy) et LSD. La plupart des hauts et des dos étaient ornés de photos de Natja Brunckhorst, l'actrice qui jouait Christiane F dans le film de 1981.

Comment, s'est interrogé FashionNetwork.com, le film a-t-il influencé Raf Simons ? « Eh bien déjà, cela m'a poussé à rester à distance de la drogue », souligne le créateur cinquantenaire, qui a vu le film pour la première fois quand il avait 14 ans. Ce conte noir situé dans le Berlin des Heroes de David Bowie voit une jolie adolescente sombrer dans l'addiction à l'héroïne.

« Chaque silhouette était numérotée, comme en haute couture, mais pas dans l'ordre. Le décor est venu de la façon dont l'Europe du Nord s'inspire de diverses choses et les assemble : que ce soit les peintres, les réalisateurs ou les créateurs de mode belges. A l'époque, je créais ce qu'on a appelé Interzones : un environnement qu'on ne peut jamais pleinement saisir. C'était donc à la fois un tableau, un club et aussi un défilé de haute couture. J'aime l'idée de quelque chose qu'on ne peut expliquer. On a tellement tendance à tout analyser, actuellement, en matière de mode et tout animal créatif a besoin de travailler et de penser sans crainte. Les gens se cachent trop de nos jours, parce qu'on n'est pas censés parler de certaines choses », fait remarquer le créateur. Il a l'intention de donner une partie des recettes de la collection à des organisations de lutte contre les addictions.

L'événement était prévu pour être le premier grand show lors de cette dizaine de jours de défilés à New York jusqu'alors peu inspirante. Et c'était bien le cas. Au final, Raf Simons a délivré une véritable déclaration de mode et présenté des vêtements authentiquement différents. Les vins n'étaient pas mauvais non plus.

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