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Sébastien Badault (Alibaba France) : "Certaines marques françaises ne sont pas prêtes pour le marché chinois"

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4 oct. 2017

Le géant de l’e-commerce chinois continue de vouloir attirer les entreprises françaises sur ses pages, en renforçant notamment ses dispositifs de lutte contre la contrefaçon. Depuis bientôt deux ans à la tête de l’activité française, Sébastien Badault évoque pour FashionNetwork.com l’évolution des rapports entre les marques occidentales et le groupe Alibaba.


Sebastien Badault - Alibaba France


FashionNetwork.com : Quel est l’objectif du nouveau dispositif de lutte contre la contrefaçon "IP Protection Platform", déployé cet été ?

Sébastien Badault 
: Cette plateforme en ligne, accessible par les marques, est en réalité un projet développé de longue date, et qui continue de s’affiner, l’avantage étant que 1 100 marques participent au processus. Pour elles, le bénéfice premier est que, dès que l’alerte est donnée sur un produit, nous le retirons immédiatement de la plateforme. Là où, comme c'est souvent le cas, on demandait avant d’abord à la marque de prouver qu’il s’agissait d’une contrefaçon. C’est désormais au marchand de montrer qu’il s’agit d’un vrai produit. Nous faisons en priorité confiance aux marques. Les produits sont ainsi retirés plus vite. La contrefaçon demeure aujourd'hui un véritable problème, mais il s’est instauré un dialogue important avec les marques.

FNW : C’était une demande récurrente de ces marques ?

SB : Oui. En fait, nous avons besoin de trois choses pour que notre activité fonctionne. La technologie, déjà, qui nous permet de manière de plus en plus automatisée de détecter les faux quand ils apparaissent sur le site. Ensuite viennent les relations avec les gouvernements locaux : notre fondateur Jack Ma a récemment adressé à Pékin une lettre ouverte demandant des pénalités plus fortes pour les contrefacteurs, en expliquant que ces derniers doivent être vraiment punis pour que cela soit dissuasif. Car les contrefacteurs sont de vrais entrepreneurs, avec des stocks. Il faut donc savoir où et qui ils sont, grâce à nos données techniques, pour qu’ensuite les autorités puissent faire leur travail et aillent les chercher. Le troisième élément, c’est cette relation avec les marques : c’est, pour moi, la clef. Si une marque nous dit "Je n’ai jamais fait de ceinture en crocodile rouge", et que l’on voit apparaître chez nous une ceinture de ce type, on sait qu’il faut l’enlever automatiquement. C’est l’une des manières de collaborer. Mais c’est un combat quotidien.

FNW : JD.com, votre challenger, entend se différencier via une offre plus haut de gamme… Quel est votre sentiment à ce propos ?

SB : Je sais que JD.com doit lancer prochainement une plateforme luxe. Mais, nous, notre plateforme luxe est déjà en place. En août, nous avons lancé en Chine Luxury Pavilion, un espace dédié aux marques de luxe. C’est une boutique à part à l’intérieur de T-mall ; seules les marques peuvent vendre dessus, pas les distributeurs. En tant que client, si j’y achète un manteau Burberry ou des produis Baccarat, Dior ou Vuitton, je sais que j’achète à la marque directement. Avec, donc, zéro risque de contrefaçon.

FNW : Percevez-vous un changement de mentalité chez les marques vis-à-vis d’Alibaba ?

SB : Il y a une vraie accélération, ce qui est logique. Sur l’année écoulée, nous avons fait beaucoup d’évangélisation. Car, déjà, beaucoup de marques ne savaient pas qu’elles pouvaient vendre sur nos pages. Et cela porte ses fruits. Nous avons réussi à faire venir un grand nombre de marques. Et nous affinons progressivement les choses. Par exemple, il y a un an, j’aurais donné le feu vert pour l’arrivée de certaines marques. Désormais, avec l’expérience, il nous arrive de décliner, en expliquant pourquoi à leurs dirigeants. Car certaines marques françaises ne sont pas prêtes pour le marché chinois, tant dans la compréhension des attentes que sur le choix des produits.

FNW : Reste-t-il des idées fausses, dans l’esprit des marques, concernant le marché chinois ?

SB : Souvent nous faisons travailler les marques avec des tiers, des partenaires locaux qui vont les aider à faire les pages produits en mandarin, à travailler sur le marketing et autre. Le fait est qu'il y a un an et demi ces structures ne savaient pas vraiment trop comment gérer les relations avec les marques internationales, et donc françaises. Il y a donc aussi un travail d'apprentissage dans l’autre sens. Aujourd’hui, ces prestataires comprennent de mieux en mieux quels sont les freins, et comment accompagner au mieux selon les besoins. Il y a donc à présent une belle accélération de l’activité. Cela s’illustre avec l’arrivée récemment de Nuxe ou Baccarat, avec de bons résultats et volumes d’affaires, notamment grâce à une bonne analyse des besoins

FNW : Quel est votre objectif en termes de nombre de marques françaises sur la plateforme ?

SB : Nous sommes aux alentours de 250 marques. Je pense que l’on peut facilement doubler ce nombre. Après, ma priorité, c’est de m’assurer que les marques qui viennent chez nous trouvent leur place. Ce qui nous intéresse, à terme, c'est de pouvoir dire qu’elles réalisent une part non négligeable de leur chiffre d’affaires en Chine. Il n’y a pas volonté de multiplier les arrivées de grands noms, mais de montrer que ceux qui viennent rencontrent un vrai succès. Avec, à la clef, des créations d’emplois et de la croissance pour les marques.

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