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Clémentine Martin
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9 janv. 2020
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Alibaba taille dans ses prix pour concurrencer Amazon en Europe

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Clémentine Martin
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9 janv. 2020

Après des années de reconnaissance prudente, le géant du retail chinois Alibaba part enfin à la conquête de l’Europe. Sa stratégie : proposer aux vendeurs des frais plus bas que ceux d’Amazon, avec des résultats mitigés pour le moment, selon six sources proches du dossier.


Selon cinq sources, AliExpress a contacté de grandes marques comme Mango, Benetton ou le groupe de mode espagnol Tendam (Cortefiel) pour leur proposer d’utiliser sa plateforme, avec un succès limité - Reuters


Les petites entreprises se ruent sur la plateforme européenne AliExpress depuis quelques mois, mais les grands noms sont plus timides, selon les sources. Parmi les prospects contactés par AliExpress, on trouve des mastodontes tels que Mango, Benetton ou encore le groupe de mode espagnol Tendam, qui possède la marque Cortefiel. Mais le succès est pour le moment limité, selon cinq sources ayant participé à cette opération commerciale mais préférant rester anonymes en raison du caractère confidentiel des discussions.

Au vu de certains produits proposés sur le site, comme une minijupe en simili-cuir vendue à environ 16 euros ou un pull chauve-souris en acrylique à environ 12,50 euros, certaines griffes considèrent apparemment que la plateforme n’est pas la vitrine idéale pour leurs produits, selon les sources. Un dirigeant sénior d’une grande entreprise de mode, contacté sans succès par AliExpress en Europe, a notamment déclaré que sa marque avait besoin d’un « environnement aspirationnel ». D’autres ont décrit la plateforme AliExpress comme « un site en travaux ». Mais d’après le président d’AliExpress Wang Minggiang, interviewé par Reuters au siège d’Alibaba à Hangzhou, les marques étrangères ont simplement besoin de temps pour comprendre la plateforme. Elles peuvent en effet créer leur propre espace à l’intérieur de la plateforme, avec une page d’accueil personnalisée comprenant des images et des vidéos pour incarner l’univers qu’elles souhaitent, a-t-il ajouté.

Benetton et Tendam n’ont pas souhaité révélé si AliExpress les avait contactées. Aucune des deux marques ne vend sur la plateforme chinoise, mais elles sont toutes deux présentes sur Amazon. Mango a simplement déclaré ne pas vendre sur AliExpress sans plus d’informations, et ne vend pas non plus sur Amazon. Une porte-parole d’AliExpress a refusé de dévoiler si l’entreprise avait tenté d’approcher ces marques ou d’en séduire d’autres : « Nous sommes en permanence à la recherche d’opportunités de travail avec différents associés, et nous nous engageons à nous placer comme partenaire de confiance des vendeurs comme des acheteurs », a tenu à rappeler l’entreprise.

Alibaba se concentrait jusqu’ici sur la vente de produits chinois bon marché sur le continent à travers sa plateforme AliExpress, proposant des câbles USB à 2,50 euros ou des boucles d’oreilles en verre à 1,80 euro pour toucher une large audience. Au cours des six derniers mois, la société a changé de stratégie pour réorienter sa plateforme vers les marques et les vendeurs locaux. L’objectif : répliquer en Europe son modèle très rentable de centres commerciaux virtuels, qui lui a déjà permis de rafler la moitié des ventes en ligne de Chine.

« Les vendeurs étrangers ont une meilleure compréhension des utilisateurs locaux, leurs produits ont des designs plus efficaces qui sont mieux accueillis par les consommateurs européens », explique Wang Minggiang.

Frais mensuels offerts



L’entreprise vise en premier lieu l’Espagne et l’Italie, ainsi que les nations charnières entre l’Europe et l’Asie que sont la Russie et la Turquie, qui faisaient partie de ses principaux marchés lors de la première phase de sa stratégie lancée en 2010.

L’Espagne, un grand pays d’Europe de l’Ouest avec des marques locales fortes, est le type de marché qu’Alibaba doit conquérir pour remplir l’objectif de son PDG Daniel Zhang : doubler sa base de clients d’ici 2036 pour atteindre 2 milliards d’utilisateurs malgré le ralentissement de l’économie chinoise. Sa progression sur son propre territoire illustre sa stratégie et les obstacles qui pourraient se présenter lors de son développement mondial.

AliExpress a décidé de supprimer les frais mensuels pour les vendeurs en Espagne afin d’attirer les entreprises locales. Les commissions pour les produits vendus vont de 5 % à 8 %, selon une source sénior proche de l’entreprise. En comparaison, Amazon facture 39 euros par mois hors taxes, et prélève une commission allant de 7 % à 15 % par objet vendu. Certains articles, comme les bijoux et les accessoires pour appareils Amazon, ont même des taux plus élevés, selon une porte-parole d’Amazon. Amazon n’a pas souhaité commenter cette décision stratégique d’AliExpress. L’entreprise américaine domine ses cinq principaux marchés européens : la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, selon le cabinet d’analyse spécialisé dans le e-commerce Marketplace Pulse.

Des milliers de petites entreprises se sont inscrites sur AliExpress en Espagne depuis son ouverture aux vendeurs locaux en 2019, affirme une porte-parole d’AliExpress. Elle n’a pas souhaité donner plus de détails, mais les chiffres seraient comparables à ceux d’Amazon, pourtant mieux établie. 8 000 petites entreprises espagnoles ont vendu sur la plateforme américaine en 2018.

L’un des plus gros succès d’Espagne pour le site chinois est sans nul doute la chaîne de grands magasins El Corte Inglés, qui a annoncé vouloir porter le nombre de ses lignes distribuées sur AliExpress à sept d’ici juin.

La start-up espagnole de cosmétiques Le Tout a aussi commencé à vendre sur AliExpress en 2019, dès l’ouverture de la plateforme aux commerces locaux. L’entreprise vend cependant 12 fois plus d’articles sur Amazon que sur AliExpress, selon son directeur exécutif Alvaro Domínguez : « Je pense qu’AliExpress a longtemps été associé aux produits chinois. C’est une question de temps, mais je crois qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour gagner du trafic et de la visibilité. »

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