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27 janv. 2023
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Bernard Arnault distribue bons points et blâmes

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27 janv. 2023

Pour la première fois depuis trois ans, le groupe LVMH organisait ce 26 janvier une présentation de ses résultats annuels devant les analystes financiers et des journalistes, dans l'auditorium de son siège de l'avenue Montaigne à Paris. Une présentation d'une heure que Bernard Arnault a ouverte se disant "très heureux d'être là pour annoncer, je ne dirais pas une fois de plus au risque de lasser l'assistance, des résultats records pour le groupe LVMH".


Bernard Arnault, lors de la présentation des résultats du groupe le 26 janvier - FNW


La première fortune mondiale a précisé les croissances à deux chiffres du numéro un mondial du luxe: un chiffre d'affaires de plus de 79,2 milliards d'euros, en hausse de 23%, un résultat opérationnel courant de 21 milliards et un cash-flow de plus de 10 milliards.

D'une voix posée, légèrement enrouée, le dirigeant de 73 ans a valorisé les résultats de son groupe. "Dans les périodes difficiles au niveau macroéconomique et géopolitique, le groupe LVMH gagne des parts de marché et progresse, cela a été le cas depuis 2019". Et de souligner "des performances financières tout à fait remarquables qui sont la conséquence du travail formidable de nos équipes dans les différentes maisons".

Au cours de son monologue d'introduction, ou dans les réponses aux questions des analystes financiers, Bernard Arnault s'est attelé à valoriser ses équipes.

Annonçant que sa marque locomotive Louis Vuitton a franchi la barre des 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires au terme de l'année 2022, il a salué "la performance extraordinaire de son dirigeant Michael Burke qui depuis dix ans l'a portée à ce niveau d'exception, tout en conservant son côté extraordinairement désirable avec des innovations, des boutiques formidables et des créations qui étonnent dans le monde entier.".

Il a aussi appuyé sur le fait que Celine, avec Hedi Slimane à la direction artistique, avait passé la barre des 2 milliards d'euros de ventes.

Sur l'estrade, le magnat du luxe était accompagné de Jean Jacques Guiony, directeur financier, et Antonio Belloni, directeur général délégué du groupe, mais de nombreux cadres étaient présents dans l'assistance, dont ses enfants, ses fils étant tous habillés d'élégants costumes sombres, alors que Delphine Arnault, récemment promue directrice générale de Dior, portait une magnifique robe rouge, signe peut-être de la montée dans l'organigramme de l'héritière. Son père a d'ailleurs glissé quelques mots sur les récents changements à la tête des maisons du groupe visant "une continuité stratégique avec une approche managériale différente".

"Nous avons fait quelques modifications dans les équipes du groupe. Le dirigeant de Louis Vuitton, après une réussite formidable, va travailler avec moi sur d'autres sujets. (...) Pietro Beccari passe de Dior à Vuitton après une réussite formidable chez Dior. Et Delphine, qui a été chez Dior pendant douze ans, ensuite dix ans chez Vuitton et qui maintenant revient chez Dior, avec une équipe de création formidable et une créatrice non moins extraordinaire.".

Le dirigeant a en effet mis en avant les designers stars du groupe, sans s'attarder sur les interrogations dans certaines maisons. "Nous avons un ensemble de créateurs extraordinaires, que ce soit chez Louis Vuitton avec Nicolas Ghesquière, chez Dior avec Maria Grazia Chiuri, chez Céline, chez Loewe avec Jonathan Anderson. Nous avons l'ambition de rendre ces marques de plus en plus désirables. Leur désirabilité, quand on la compare à celle de concurrents, s'améliore régulièrement. C'est le secret, les chiffres sont seulement une conséquence.".

Patrice Wagner, Chris de Lapuente et Stéphane Bianchi mis en avant



Prolixe en adjectifs flatteurs ce 26 janvier, Bernard Arnault a valorisé ses dirigeants: "Le Bon Marché c'est petit, mais très bien géré, je ne sais pas si M. Wagner est là, a-t-il lancé en cherchant du regard le dirigeant du grand magasin parisien. Mais bravo pour le dernier créateur, avec ses casseroles (l'installation Sangam de Subodh Gupta, ndlr), c'est vraiment superbe", a-t-il glissé à l'attention du patron de l'enseigne. Côté distribution sélective, "Chris de Lapuente dirige cela d'une main de maître avec la réussite de Sephora qui est extraordinaire" et côté montres et joaillerie "Stéphane Bianchi dirige ces affaires. Toutes nos affaires de montres sont rentables."


Inauguration de l'exposition Sangam au Bon marché - FNW


Bernard Arnault a aussi, à plusieurs reprises, fait des apartés à l'attention de ses enfants, interrogeant de manière rhétorique Alexandre (directeur exécutif de Tiffany) sur la valorisation actuelle de Tiffany, ou glissant que Frédéric (CEO de Tag Heuer) "lance sans arrêt de nouvelles montres" dont il portait un exemplaire.

Mais, malgré ses sorties, le président du groupe a en revanche éludé toutes les questions sur l'avenir de la gouvernance de LVMH. La succession? "Vous avez remarqué, c'est à la mode, l'âge de la retraite a été prolongé". Le passage de la holding familiale Agache en  société à commandite? "Les juristes m'ont recommandé de faire une commandite. Ils m'ont dit que c'était bien, que c'est à la mode. Nos amis d'Hermès ont fait une commandite... Cela ne va pas plus loin." Le dirigeant ne se privant pas au passage d'adresser une pique à ses rivaux. C'est d'ailleurs un Bernard Arnault alerte qui a saisi toutes les perches qui lui étaient tendues, et même celles qui ne l'étaient pas, pour adresser quelques propos acerbes.

Piques et clins d'œil



Complet marine, cravate du même ton et chemise blanche, rosette de grand officier de la légion d'honneur en boutonnière, le dirigeant a asséné ses vérités sur les apports sociétaux, en particulier en France, et environnementaux de son groupe. Il a aussi rappelé sa réticence vis-à-vis des sirènes de l'e-commerce. "Ce qui est intéressant dans le fait de vendre par internet, c'est un service. Quand vous êtes venu chez Sephora pour tester un rouge à lèvres ou une crème, après vous l'achetez sur le site de Sephora. Mais découvrir le produit sur Amazon au milieu d'autres produits utilitaires, cela ne fait pas rêver... et la plupart des marques sélectives n'y sont pas représentées". Quant au marché de la seconde main, Bernard Arnault préfère "se concentrer sur la première main".

Il a aussi adressé quelques critiques directes à ses concurrents, regrettant certaines pratiques supposées sur le marché chinois. "Nous avons un certain nombre de concurrents qui ont besoin de chiffre d'affaires et qui n'hésitent pas à passer par des revendeurs qui achètent leurs produits pour revendre à prix discountés en Chine", a-t-il expliqué. "Nous, nous évitons ces exportations parallèles. Nous avons aussi vu des ventes de produits via des magasins en duty free qui faisaient des chiffres d'affaires énormes alors qu'il n'y avait personne dans les aéroports. Pourquoi? Parce que les produits n'arrivaient jamais dans le stand et partaient directement des réserves pour aller être vendus en discount en Chine. Pour l'image, c'est épouvantable!"

En conclusion, le président de LVMH a expliqué: "Je suis assez confiant pour 2023, si l'ouverture de la Chine se confirme. Le démarrage est extrêmement fort. Si cela continue, cela devrait être une très bonne année et nous pourrons développer nos investissements et prendre des parts de marché. Même quand la situation est plus difficile, nous continuons à investir, alors que certains concurrents ont peut-être des contraintes financières un peu plus serrées que nous... mais ils investissent moins et les choses sont plus difficiles après pour eux. Pour nous, cela nous a plutôt bien réussi pour traverser cette période de crise sanitaire.".

Jean Jacques Guiony a notamment mis en avant de lourds investissements marketing sur le dernier trimestre de l'année, de 30% supérieurs à ceux engagés en 2021, avec les opérations Yayoi Kusama chez Louis Vuitton ou le défilé devant les pyramides de Gizeh, en Égypte, pour Dior.

Une fois n'est pas coutume, le dirigeant a aussi abordé le cas d'un concurrent, avec lequel il collabore via Tiffany&Co, en lui adressant des propos flatteurs. Bernard Arnault a ainsi été très positif à l'endroit de la marque horlogère suisse Patek Philippe... de quoi alimenter de nouveau une rumeur du milieu feutré de l'horlogerie de luxe évoquant un projet d'acquisition par LVMH de la maison genevoise.
 

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