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Chantal Gaemperle (LVMH): "Il est urgent d’investir dans la formation pour combler des déficits en recrutement très importants"

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26 nov. 2021

LVMH a organisé le 19 novembre à Florence l’événement "Show Me" afin de promouvoir les métiers du luxe et son programme de formation dédiée, via l’Institut des Métiers d’Excellence (IME), qu’il a créé en 2014. A cette occasion, Chantal Gaemperle, directrice des ressources humaines et synergies du groupe, a décrit à FashionNetwork.com les nouveaux besoins de l’industrie du luxe et les stratégies mises en place.


Chantal Gaemperle, directrice des ressources humaines et synergies du groupe - LVMH


FashionNetwork.com : En ce moment, quels sont les secteurs où vous avez le plus de mal à recruter ?

Chantal Gaemperle : Les métiers du service en général. L’hôtellerie, le retail et les carrières de la vente. En Italie, en particulier, sur la maroquinerie, il y a une énorme tension. C’est en partie lié à la crise du Covid. Les événements que nous organisons comme celui de Florence visent justement à lancer un appel fort.

FNW : Quels sont les métiers d’excellence chez LVMH ?

CG :
Nous en avons répertoriés 280. Il s’agit de savoir-faire, qui vont de l’art de la vente à la réalisation de produits de très haute qualité touchant les métiers de la mode, de la maroquinerie, etc. Nous avons même un barbier chez Acqua di Parma. Il est urgent d’investir pour former la relève et pour combler des déficits en recrutement très importants. Le constat aujourd’hui est qu’il manque du personnel qualifié. Nous voulons intervenir pour prévenir l’extinction de ces métiers, car si nous n’investissons pas aujourd’hui, qui va transmettre ces savoir-faire, les gestes, cette expérience-là? Il y a urgence à agir maintenant pour préparer l’avenir. En même temps, notre système de formation est vertueux car cela donne des emplois à des jeunes.

FNW : En général, ce ne sont pas des métiers très sexy.

CG :
C’est un problème de perception. Si vous rencontrez les dépositaires de ces savoir-faire, qui pour beaucoup ont vingt à trente ans de maison chez nous, vous allez voir que vous aurez un autre regard ! C’est plus que sexy, car il y a un sens. Vous êtes véritablement un artisan, d’un savoir-faire qui contribue au rayonnement d’un groupe comme le nôtre. Je pense qu’on a un travail à faire autour du regard sur ces métiers, qui malheureusement ne sont pas ou peu connus, et pas assez valorisés.

FNW : Il s'agit aussi de métiers pas très bien rémunérés...

CG :
Chez nous, on essaie d’avoir des formations qualifiantes et puis un emploi qui perdure. C’est une bonne garantie pour se battre dans le monde d’aujourd’hui. En plus, quand vous êtes motivés et aimez ce que vous faites, c’est quand même une manière d’avoir du sens, c'est ça qui est important. Comme l’illustre le film "Haute couture" de Sylvie Ohayon, qui va bientôt sortir en France, qui montre bien la différence entre un job qui ne vous remplit pas, et un métier qui est presqu’une vocation. Nous, nous essayons de susciter les vocations.
 
FNW : Comment comptez-vous sensibiliser les jeunes vers ses métiers ?

CG : Nous avons une série d’actions, qui ont toutes pour objectif d’aller chercher ces jeunes. C’est nous qui allons à leur rencontre car très souvent ils s’autocensurent. Un jeune issu de la banlieue ne peut s’imaginer, par exemple, travaillant pour Chaumet ou Louis Vuitton. Nous allons donc dans les écoles présenter les métiers en compagnie des personnes qui les exercent. Nous avons créé le Village des métiers d’excellence, un rendez-vous proposant des contrats en alternance, où l’on se déplace avec l’ensemble des savoir-faire. Nous sommes allés à Montfermeil ou Clichy-sous-Bois. Nous souhaitons renforcer ces actions de promotion. L’année prochaine, nous voulons prendre un bus pour aller dans les territoires en France.

FNW : Quel pourcentage d’apprentis passés par votre Institut des Métiers d'Excellence intègre LVMH ?

CG :
La grande majorité trouve un débouché dans notre groupe ou travaille avec nos fournisseurs ou nos partenaires. Je dirais probablement plus de 80% d’entre eux. Ce qui est important aussi, ce sont les jeunes qui décident de poursuivre leur formation et continuent car l’Institut a éveillé une vocation.

FNW : Combien dure une formation?

CG :
Cela dépend, selon les métiers, il faut des années d’apprentissage. Ça prend par exemple sept ans pour devenir un joaillier.

FNW : Et au sein de votre Institut ?

CG :
Les formations durent en moyenne dix-huit mois.

FNW : Votre Institut est payant ?

CG :
Non. Les élèves sont rémunérés comme des apprentis, ils travaillent en alternance et on leur paie les fournitures scolaires.

FNW : La sélection est sévère ?

CG :
Je dirais qu’elle est exigeante, car si l’on veut perpétuer l’excellence, ce qui est le but, il faut de la persévérance et beaucoup de travail. L’excellence, il faut la tirer vers le haut. Donc, nous devons absolument maintenir un haut niveau. En revanche, on doit être généreux dans la démarche d’inclusivité et dans l’ouverture que l’on a dans les critères d’embauche. Mais quelqu’un qui est motivé et a envie de travailler, il a absolument toutes ses chances.

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