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Christian Dior à la peine dans sa recherche d'un successeur à Raf Simons

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9 mai 2016

Christian Dior, une des Maisons de mode les plus célèbres au monde, est à la peine dans sa recherche d'un nouveau directeur créatif, plus de six mois après le départ de Raf Simons.


Christian Dior - Automne-Hiver 2016 - Femme - Paris - © PixelFormula


Des sources proches du dossier affirment que l'une des raisons pour lesquelles ce poste est toujours vacant tient à l'autonomie limitée offerte par la marque, en comparaison avec les autres grandes griffes comme Yves Saint Laurent, Gucci ou encore Coach.

« Bien souvent, lorsque qu'un directeur créatif s'en va, c'est parce qu'il n'avait pas assez de contrôle », déclare ainsi un expert en communication dans le domaine de la mode, qui a travaillé pour de grandes marques comme Givenchy, et qui n'a pas souhaité être identifié.

Raf Simons espère d'ailleurs avoir beaucoup plus d'autonomie chez Calvin Klein, chez qui il devrait commencer à travailler d'ici quelques mois.

Par ailleurs, les ventes de Dior se sont essoufflées au cours des derniers mois, en raison de la baisse du tourisme en Europe - après les attaques terroristes de Paris et Bruxelles - mais aussi de la faiblesse de la demande dans plusieurs marchés asiatiques clés.

Bernard Arnault, le principal actionnaire de la griffe, veut un talent confirmé pour prendre les commandes, selon les chasseurs de têtes et professionnels du secteur, mais le vivier de compétences est particulièrement réduit.

Un problème supplémentaire tient au fait que la plupart des contrats empêchent les designers d'aller travailler pour un concurrent pour une durée pouvant aller jusqu'à un an.

Les candidats qui ont déjà été considérés comprennent Alber Elbaz, qui a ressuscité la marque Lanvin, qui a été écarté en octobre dernier après avoir tenté d'introduire des investisseurs extérieurs. Ce dernier a aussi été déçu par l'étendue limitée du poste, alors même qu'il avait bénéficié d'une très large autonomie chez Lanvin, depuis les collections jusqu'à la publicité.

Un autre candidat potentiel a été Hedi Slimane, qui était jusqu'au mois dernier directeur créatif chez Yves Saint Laurent. Ce dernier ayant toutefois constamment cherché à accroître ses responsabilités chez YSL, Dior a sans aucun été découragé de négocier un accord avec lui, selon des sources proches du dossier.

Plusieurs personnes ont aussi mentionné Maria Grazia Chiuri comme remplaçante potentielle de Raf Simons ; celle-ci officie actuellement avec Pierpaolo Piccioli chez Valentino. Sa nomination ferait d'elle la première femme à occuper le poste de créateur chez Dior, mais compliquerait par ailleurs les projets d'introduction en Bourse de Valentino.

Une autre source a confirmé que Maria Grazia Chiuri faisait partie des candidats potentiels, parmi d'autres noms, notamment en interne. La même source a précisé que le processus de sélection était susceptible de prendre plus de temps, possiblement quelques semaines de plus.

Aussi bien Valentino que Dior ont refusé de faire des commentaires.

Chasseurs de têtes et professionnels de la mode tiennent à préciser qu'il n'y a pas de recette établie pour le recrutement d'un nouveau directeur créatif. Les critères et les attentes varient largement en fonction de la taille de la marque, de son histoire, mais aussi de sa recherche de continuité ou encore de rupture.

Le désir de Dior de trouver un personnage charismatique et actuel, avec une vision forte, mais qui se satisfera toutefois d'un rôle relativement étroit, rend la recherche particulièrement difficile, selon plusieurs sources anonymes du secteur.

Le poste comprend la création des collections et de certains accessoires, la production de six défilés par an, de nombreuses entrevues et la représentation de la marque à divers événements.

Celui-ci ne comprend toutefois pas à la rénovation des boutiques, lesquelles sont sous la responsabilité de Peter Marino. Les changements majeurs concernant les sacs Lady Dior sont aussi hors de portée, ainsi que la politique publicitaire pour les parfums et produits de beauté, qui génèrent toutefois la majeure partie des 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel de la marque.

En quittant Dior, Raf Simons a déclaré qu'il souhaitait se concentrer sur sa propre griffe, mais certains professionnels du secteur ont ajouté que son style minimaliste ne se mariait pas bien avec le style flamboyant de la griffe. Dans une célèbre campagne publicitaire, une Charlize Theron couverte de feuilles d'or déambulait dans le Château de Versailles pour faire la promotion des parfums J'Adore, une des fragrances les plus vendues au monde.

« Le problème, c'est que lorsque vous êtes une marque de la taille de Dior, vous devez composer à la fois avec votre propre héritage et avec l'univers de votre créateur, et par ailleurs vous avez aussi toutes ces catégories de femmes que vous voulez séduire avec les publicités et les célébrités », précise ainsi un des principaux managers du secteur de la mode.

Au cours de la dernière décennie, le rôle du directeur créatif s'est peu à peu étendu pour finalement comprendre la création d'un univers complet pour les marques, comprenant aussi bien la définition des stratégies marketing que l'expérience des consommateurs.

Justin O'Shea a été nommé en mars directeur créatif du tailleur italien Brioni et s'est clairement vu confier la responsabilité de l'image de la marque, par ailleurs détenue par Kering.

« Avant, le créateur jouait en solo, aujourd'hui, c'est un chef d'orchestre qui indique aux autres ce qu'ils doivent dessiner et quoi faire », précise ainsi Ralph Toledano, directeur des marques Nina Ricci et Jean Paul Gaultier, et président de la Fédération française de la Couture, du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode.

Hedi Slimane, chez YSL, était la référence du secteur en termes de contrôle. Il était impliqué dans tous les domaines, des campagnes de publicité jusqu'à l'atmosphère des boutiques, en passant par le contenu du site Internet.

Stuart Vevers, directeur créatif de la marque américaine Coach, estime aussi que son implication va bien au-delà de la création des collections de mode et de maroquinerie.

« Je me considère toujours comme un créateur, mais je ne suis pas sûr du nombre de créateurs qui se considèrent encore comme tels », a-t-il ainsi déclaré à Reuters, en marge de la conférence Condé Nast sur le luxe, organisée à Séoul.

Certains créateurs regrettent qu'il leur reste si peu de temps pour dessiner. « Nous sommes maintenant devenus des créateurs d'image », a ainsi déclaré Alber Elbaz en octobre dernier, juste quelques jours avant de quitter Lanvin.

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