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8 févr. 2023
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Comment aborder le marché de la mode britannique, selon Business France

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8 févr. 2023

Alors que la Fashion Week va reprendre ses droits dans la capitale anglaise du 1 au 21 février et que les salons professionnels préparent leur prochaine édition, comme Pure London du 12 au 14 février, zoom sur le potentiel du marché britannique. Pour Roselyne Fitzgerald, en charge de ce secteur pour Business France (l'agence nationale chargée du développement international des entreprises françaises) au Royaume-Uni et en Irlande, les opportunités sont toujours présentes pour les marques françaises malgré le Brexit et le contexte de forte inflation qui frappe la Grande-Bretagne. Avec ses 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires et près de 16% de croissance en 2021 (versus 8,2% en France la même année), le secteur de l’habillement britannique fait mieux que résister : il confirme que le Royaume-Uni est un marché majeur en matière de mode, une plaque tournante de l’innovation et du business pour des marques créatives en quête de notoriété internationale. 


Le marché de la mode britannique reste dynamique - Shutterstock



FashionNetwork.com : Pour beaucoup de marques, le Brexit a contrarié leurs plans en Angleterre.  Est-il encore un frein à l’entrée sur ce marché?

Roselyne Fitzgerald : Il faut rassurer les exportateurs: sur ce secteur, les changements apportés par le Brexit restent assimilables. Même s'il est vrai que pour les exportateurs qui travaillent avec des importateurs professionnels, il faudra surtout se familiariser avec les procédures d’exportation hors-UE et les règles d’origines qui permettent de déroger aux tarifs douaniers. En revanche, pour les entreprises travaillant en BtoC (exemple: vente en ligne), le principal changement est la prise en charge de la TVA britannique pour toute commande inférieure à 135 livres sterling, ce qui implique d’apprivoiser le système de paiement. Enfin, d’autres conséquences réglementaires risquent d’impacter certains exportateurs, telles que les règles liées à l’étiquetage (désormais obligatoire en anglais) ou le marquage de conformité UKCA (UK Conformity Assessed) pour des vêtements fonctionnels.

FNW : Malgré ces changements, d'après vous, le Royaume-Uni reste-t-il une destination incontournable quand on est une marque d’habillement ? Pourquoi?

RF : Parce que la demande ne s’y dément pas! Le Royaume-Uni a une tradition de consommation de mode bien supérieure à celle des Français avec une ouverture à une grande diversité de marques, des plus classiques aux plus avant-gardistes. L’achat vestimentaire est régulier, encouragé par les facilités de paiement (les cartes de magasin comme M&S Card ou les systèmes de paiement "buy now pay later" comme Klarna) et cette récurrence s’incarne désormais sur le web: 92% des Britanniques font leurs achats en ligne, parmi lesquels près de la moitié dépensent entre 100et 499 livres sterling sur un trimestre.

FNW : La digitalisation est très avancée sur ce marché. En quoi est-ce un enjeu clé du secteur?

RF : Les ventes en ligne représentent 30% des ventes totales du secteur, à comparer aux 21% de la France en 2020. De grands noms de marketplaces comme Asos, Net-a-porter ou Farfetch se sont imposés en Grande-Bretagne, bénéficiant du contexte de la pandémie et des difficultés rencontrées par les acteurs du retail traditionnel. Nous avons par exemple vu l’enseigne TopShop rachetée par Asos après la faillite de sa maison mère, le groupe Arcadia, ex-numéro deux du secteur.

FNW : Pour les marques européennes, faut-il donc éviter les canaux traditionnels sur ce marché?

RF : Pas forcément, mais il faut garder en tête le fait que le Royaume-Uni est un marché très concurrentiel: se faire référencer dans une grande enseigne est souvent un parcours du combattant. Certaines marques déjà renommées ont implanté avec succès leurs boutiques en propre comme APC, Sandro, IKKS ou Claudie Pierlot. Mais pour des marques moins connues, nous conseillons de passer par un agent qui prospectera les détaillants indépendants ou les pure players en ligne. Business France organisera d’ailleurs un showroom French Fashion Day pour faciliter la rencontre avec des agents qualifiés le 16 novembre 2023.

FNW : Quelle porte d'entrée sur ce marché considérez-vous comme pertinente?

RF :Nous recommandons de venir en mission de reconnaissance lors d’un grand salon de la filière: par exemple le salon Scoop à la Saatchi Gallery pour les marques premium, ou Pure London pour les marques plus mainstream; et enfin le salon JATC (Just Around the Corner) à Manchester et Londres pour les marques de streetwear.

FNW : Justement, quels sont les segments et tendances de marché observés sur ces salons?

RF : Sans surprise, l’écoresponsabilité est un thème fort. Les clients regardent l’origine des produits, la durabilité ou les services de seconde main. Mais ce n'est pas non plus un différenciateur. Les nouvelles marques qui attirent l’attention sont souvent celles avec un style ethnique affirmé, ou à l’inverse, un positionnement unisexe très sobre. Côté segments, l’athleisure et le loungewear prolongent leur ascension entamée pendant la pandémie, tandis qu’avec 33% du marché, la mode homme progresse de jour en jour, à l’image de niches comme les marques grandes tailles.

FNW : Pour vous, quelle clé de réussite vous paraît essentielle en Grande-Bretagne ?

RF : La communication. Il faut un storytelling impactant, des valeurs fortes et un vrai travail sur la notoriété car le pouvoir de la marque reste socialement très important. Mais au-delà, il faut également travailler son positionnement prix et produit dans l’offre locale : bien que friands des produits d’habillement, les Anglais font attention à leur budget, d’autant plus dans le contexte inflationniste (11% en novembre 2022). Il faut donc veiller à rester abordable pour ne pas se laisser distancer par les concurrents anglais ou les nombreuses marques européennes qu'elles soient italiennes, nordiques ou espagnoles. 


 

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