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Comment, depuis Monaco, Coty veut peser sur le marché du soin pour la peau

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18 mai 2022

"Peu de temps après son arrivée à la tête de Coty en septembre 2020, le premier déplacement de Sue Y. Nabi a été consacré à la visite de nos laboratoires de recherche et développement skincare (soins pour la peau, ndlr) de Monaco", explique Thierry Molière, le vice-président du groupe américain, en charge de l’écoresponsabilité, de la technologie et de l’innovation. Un signal fort, selon lui, et un indicateur clair de la feuille de route de Sue Y. Nabi: faire du développement du segment du soin pour la peau l’une des priorités de Coty. FashionNetwork.com a fait le voyage dans la principauté pour voir l'envers du décor des produits cosmétiques élaborés pour le monde entier depuis le Rocher.


Des produits signés Lancaster, une des marques de soin phares de Coty - @lancaster_beauty


Mais d'abord, prenons un peu de hauteur avec quelques chiffres clés. Après une activité malmenée durant plusieurs années à la suite de l’absorption complexe de 41 marques de beauté du groupe Procter & Gamble en 2017, puis du choc de la crise sanitaire, Coty retrouve des couleurs. Ainsi, alors que les neuf premiers mois de son exercice 2021/22 se sont conclus sur un chiffre d’affaires de 4,13 milliards de dollars (3,91 milliards d'euros) en hausse de 16%, le groupe, qui compte dans son portefeuille de marques Lacoste, Gucci Beauty, CoverGirl ou encore Burberry, table désormais sur une croissance annuelle oscillant de 6 à 8% sur les trois prochaines années.

Car de l’avis de tous, l’arrivée de Sue Y. Nabi en 2020, experte reconnue et respectée de l’industrie cosmétique qui a notamment dirigé à l’échelle mondiale la marque Lancôme (L’Oréal), transforme le groupe en profondeur. Sa feuille de route est plutôt rationnelle: insuffler plus d’écoresponsabilité à tous les niveaux de la chaîne de valeur, se renforcer davantage sur le parfum, point fort historique de Coty, et développer le segment du soin pour la peau. 

Selon le cabinet d'études Euromonitor, le marché mondial du soin pour la peau atteindra 170 milliards d'euros en 2025. Un marché juteux qui ne représente pourtant chez Coty que 6% des ventes sur l’exercice 2020/21. Un pourcentage très faible en comparaison du parfum, qui représente la moitié des ventes du groupe américain, ou encore du maquillage, pesant près de 30% de l'activité.

C’est depuis toujours à Monaco que les produits de soins signés Coty éclosent. Alors que le maquillage est développé aux Etats-Unis ou que le volet fragrances est piloté depuis le Suisse, le groupe américain a installé ses laboratoires mondiaux de recherche et développement consacrés au soin au quatrième étage d’un immeuble discret du centre-ville de la principauté.


Les laboratoires de recherche & développement skincare de Coty à Monaco. - Coty


Un choix qui ne doit rien au hasard puisque c’est sur Le Rocher qu’est née en 1946, sous l’impulsion de l'industriel Georges Wurz et du docteur Eugène Frezzati, la marque Lancaster, l’un des piliers du soin pour la peau de Coty.

Baptisé "Skin Care Center of Excellence", le lieu de 3.000 mètres carrés, répartis dans deux bâtiments proches, emploie 80 personnes, contre une quarantaine il y a cinq ans. Signe, là encore, que le soin pour la peau prend du poids chez Coty.

"L'innovation durable c’est 75% de matière grise"



Dans ces laboratoires que FashionNetwork.com a pu visiter, les scientifiques en blouses blanches élaborent les formules des produits. Et aujourd’hui plus que jamais deux maîtres-mots les animent: innovation et durabilité. Et si la première a toujours été au cœur des préoccupations des laboratoires, qui compte actuellement 50 brevets actifs sur les produits de soin et solaires, elle va désormais de pair avec la seconde.

"Le sujet de la durabilité a toujours été présent chez Coty, mais depuis l’arrivée de Sue Y. Nabi et le lancement du programme d’engagements écoresponsables Beauty That Lasts en 2020, il est devenu le pilier de l’innovation", raconte Thierry Molière.

Ainsi sur les deux dernières années, les investissements en matière de recherche et développement pour les soins de la peau ont sensiblement augmenté chez Coty (le groupe reste discret sur les chiffres, ndlr), même si Thierry Molière aime dire que "l'innovation durable c’est 75% de matière grise et 25% d’accès aux nouvelles matières, technologies et processus de transformation".

Dans les laboratoires de Coty, les scientifiques se penchent ainsi sur un sourcing plus durable des ingrédients, comme l’utilisation de certains déchets végétaux, une sorte d’"upcycling". "Pour concevoir un exfoliant en poudre, les noyaux d’abricots sont plus sains et coûtent moins chers que les billes de microplastique par exemple", raconte Olivier Doucet, pharmacien de formation, en charge de la R&D chez Coty.

Biosciences et kombucha



Le centre travaille aussi sur les biotechnologies, une science qui se sert de l'ensemble des méthodes et techniques utilisant des organismes du vivant (molécules, cellules) pour produire des substances chimiques ou des éléments d'origine végétale, animale ou microbienne. "Un domaine où il y a tant à découvrir, et où je vois un potentiel illimité", explique Thierry Molière.

C'est au sein du laboratoire des biosciences et technologies que l'on se penche justement sur ces nouvelles méthodes vertes, en synergie avec le laboratoire génomique qui étudie la construction de la peau. Les scientifiques y observent par exemple de près le kombucha. Cette boisson réalisée à partir de la fermentation de thé noir ou de thé vert et de sucre aurait de fortes propriétés anti-oxydantes.


Cofondée par Sue Y. Nabi, Orveda est l'une des nouvelles pépites du portefeuille de soins de Coty - Orveda


Et pour mener à bien leurs recherches, les laboratoires continuent de recruter des ingénieurs, des chimistes ou encore des biologistes.

Il faut dire que Sue Y Nabi a une affection toute particulière pour le soin. En 2018, avec son ami Nicolas Vu, elle a lancé Orveda, une griffe haut de gamme et non genrée de soins pour la peau dont Coty a acquis la licence en novembre dernier.

Car Coty étoffe sa proposition de marques de soin, une offre encore modeste par rapport à son portefeuille olfactif et composée de Lancaster, leader de produits solaires dans le réseau sélectif en France, de la griffe américaine Philosophy, qui réalise encore 95% de ses ventes aux Etats-Unis, et d’Orveda donc.

Récemment, l’offre s’est enrichie avec CoverGirl, la marque américaine de maquillage qui s’est lancée dans le soin pour la peau. A cela s’ajoute Kylie Skincare, la ligne de soins de Kylie Jenner dont Coty a pris le contrôle en 2019 pour 600 millions de dollars. Un rachat qui laisse entrevoir la volonté du groupe de s'ouvrir à de nouveaux publics.

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