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Dior homme, automne 2022: "Sur la route" de Londres
Jeudi, Kim Jones était de retour dans sa ville natale avec une collection masculine somptueuse pour la maison Dior, inspirée du roman de Jack Kerouac Sur la route.
Véritable bible de la "Beat Generation" (une expression inventée par Kerouac lui-même, ndlr), Sur la route exalte les jeunes depuis plus d'un demi-siècle. Et sa prose rapide, inspirée par les rythmes du jazz, a inspiré une collection intelligente, originale et très probablement performante pour la maison Dior.
Pour l'automne 2022, Kim Jones a imaginé la rencontre entre le style des étudiants américains et le raffinement français, le tout relevé d'un soupçon de style urbain londonien. Le défilé, qui avait lieu au palais d'expositions de l'Olympia, sous une immense verrière, était le premier de Kim Jones à Londres depuis 2003.
À première vue, la bohème tumultueuse de Kerouac et la jeunesse bourgeoise et choyée de Christian Dior semblent appartenir à des univers bien distincts. Mais entre les mains de Kim Jones, la symbiose était totale.
"Kerouac a écrit Sur la route au moment où Dior révolutionnait la mode et offusquait son public. Un point de vue indépendant très valorisé par la Beat Generation, qui s'est développée parallèlement à la maison Christian Dior", expliquait Kim Jones à FashionNetwork.com, juste avant le défilé.
D'origine bretonne, Kerouac a en effet publié son célèbre roman en 1957, l'année même où Christian Dior est mort d'une crise cardiaque. D'origine bourgeoise, ce dernier avait commencé par ouvrir une galerie d'art où il vendait les œuvres de ses amis. Quant à la famille du père de Kerouac, elle cultivait des pommes de terre, mais son talent l'a conduit à passer sa vie entouré des grands écrivains de son époque, comme Allen Ginsberg, William S. Burroughs et Gregory Corso, et de grands noms du jazz tels que Charlie Parker ou Dizzy Gillespie.
Kerouac a écrit les 250 pages de Sur la route en 20 jours. Tandis que sa femme l'approvisionnait en Benzedrine, en cigarettes, en café et en soupe aux pois, il assemblait des bandes de papier calque pour s'adonner à des séances d'écriture rapide. Kim Jones a rendu hommage à cette méthode particulière en transformant le podium en une copie exacte du brouillon original du livre, un énorme rouleau tapuscrit.
Un podium arpenté par le premier mannequin, vêtu d'un blazer à la coupe impeccable, d'un short kaki et d'une chemise en coton blanc recouverte d'un merveilleux assemblage de couvertures de livres de Kerouac et de disques Dior factices. Comme la moitié des looks du défilé, il portait des chaussettes rayées et des chaussures de randonnée urbaines. Il était suivi d'un beatnik hipster coiffé d'un bonnet rasta, d'un pull violet et d'un trench parfaitement déconstruit, transformé en gilet sportif et en redingote à l'arrière.
Des vêtements taillés pour des nomades, des explorateurs intrépides vêtus de pulls rayés, de pantalons coupés aux chevilles, de blazers club et de magnifiques bombers bicolores en peau de mouton. Des couvertures d'autres romans comme Big Sur apparaissaient également sous forme d'imprimés, mélangés à des motifs provenant des archives de Dior. Une superbe veste en cuir peinte à la main mettait à l'honneur la couverture de Visions de Cody. Une nouvelle silhouette souvent coupée dans du denim japonais, associé à des photos de Kerouac à San Francisco.
Une série de tailleurs à l'américaine, des vestes de costume dignes de William Burroughs, coupées en biais, "très Dior", note Kim Jones, qui portait un sweat-shirt Balenciaga et un bonnet à logo Prada.
"Comme si on remplissait sa valise pour partir en road trip", ajoute le créateur, très fier de sa grande collection d'éditions originales de Kerouac, de lettres de l'auteur à sa mère décrivant sa méthode pour écrire Sur la route, et d'une lettre de la mère à son fils pour le féliciter d'avoir écrit ce roman révolutionnaire.
La collection était présentée dans un décor impressionnant à l'Olympia, sous les yeux de nombreuses personnalités et de dizaines d'étudiants de Central Saint Martins, l'école où Kim Jones a appris son métier.
"Je me suis dit que ce serait bien pour les étudiants de voir comment on fait évoluer une idée de collection pour la mener quelque part", confie Kim Jones.
"D'ailleurs, un grand nombre de mannequins avaient déjà lu Sur la route avant de passer le casting. Son influence s'exerce encore aujourd'hui. Et puis en confinement, on rêve de voyages", souligne Kim Jones, qui a découvert le roman à la fin de son adolescence et qui, comme Kerouac, a entrepris plusieurs road trips à travers les États-Unis.
"J'aimerais bien en faire un maintenant", lâche Kim Jones, qui a collaboré avec la Fondation Kerouac autour de la collection.
La veille, Dior avait organisé une fête au 14 Cavendish, un magnifique manoir géorgien, dont l'intérieur était un véritable capharnaüm, très Beat Generation, avec des meubles du milieu du siècle dernier, un mur de coupures de presse Beatnik, des cocktails rétro, un groupe de jazz et, à l'étage, le DJ Paul Doherty qui passait des disques Blue Note Records. Une mise en scène idéale, orchestrée par le producteur d'événements Robin Scott Lawson.
Après le défilé du jeudi, plus de 1.000 invités ont dégusté des cocktails américains classiques, des Old Fashioned et des Whisky Sour, avant d'assister au DJ set de Princess Julia et à un concert de Grace Jones, sous les applaudissements de la foule.
Le niveau sonore a atteint son point culminant pendant La Vie en Rose, chanson emblématique d'Édith Piaf enregistrée par sept chanteurs américains, de Bing Crosby à Louis Armstrong. L'amitié franco-américaine à son meilleur.
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