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11 avr. 2022
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Fairly Made, la start-up qui accompagne SMCP et LVMH sur le chemin de la traçabilité

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11 avr. 2022

L’engagement est fort: d’ici trois ans, Maje entend proposer à ses clients une transparence sur la traçabilité de 100% de ses produits. Une approche qui s'aligne sur son objectif d'avoir au moins 60% de ses produits réalisés avec au moins la moitié de matières plus respectueuses de l'environnement. Pour se faire accompagner dans cette ambition de transparence, la marque, comme tout le groupe SMCP dont elle dépend et qui pèse plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, a fait confiance à une start-up française, Fairly Made.


Camille Le Gal et Laure Betsch, cofondatrices de Fairly Made - DR


Un challenge qui n'effraie pas la jeune entreprise en plein développement. La société, qui vient d'étendre ses bureaux au sein du hub de la mode responsable parisien, La Caserne, dans le Xe arrondissement, travaille également avec six marques du groupe LVMH. Qu'il s'agisse d'enseignes de mode contemporaine, de géants du luxe ou de labels indépendants, Fairly Made, créée par Laure Betsch et Camille Le Gal en 2018, revendique apporter une méthodologie à ses clients.

Entreprise à mission, la start-up est née afin d'accompagner les marques dans leur pratique d'achat et les faire évoluer dans une approche environnementale et sociale. Les fondatrices sont passées dans de grands groupes comme Chanel, H&M et Louis Vuitton, notamment au sein des services achats, avant de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. Ce qui leur a permis d'identifier les besoins des marques.

Pour autant, en 2018, les questions environnementales émergeaient seulement et n'étaient pas encore prises à bras-le-corps par les acteurs de l'industrie. A leurs débuts, Laure Betsch et Camille Le Gal devaient évangéliser et cela passait d'abord par des collections capsules réalisées avec une approche plus responsable pour des acteurs de la mode et de la distribution textile. La start-up possède les contacts et la souplesse pour opérer rapidement et sur des quantités limitées, ce qui a permis notamment à une marque comme Des Petits Hauts de faire ses premiers pas vers un sourcing plus responsable en 2019.

"Ces sujets de transparence vont devenir une norme"



"La mission, c’était d’améliorer l’impact social et environnemental de l’industrie textile, de l'amener au changement. Les capsules étaient idéales en cela car c’était une activation rapide, explique Camille Le Gal. A présent, on travaille en profondeur, avec l'idée d'agir à terme sur 100% des collections. Ces sujets de transparence vont devenir une norme. Les marques qui se lancent doivent avoir ce sujet dans leur ADN, et celles qui étaient installées ont un gros travail de mise à niveau à réaliser."

Fairly Made accompagne les marques avec une solution qui a pour objectif de permettre à la marque d'avoir une traçabilité de l'ensemble de la chaîne de valeur et d'évaluer la qualité de chacun de ses produits selon cinq critères: l'environnement, le social, la traçabilité, la recyclabilité et la durabilité.


La plateforme propose de retranscrire les résultats sur les étiquettes des produits via un QR code - Fairly Made


"Avec les capsules écocertifiées, les marques avaient besoin de solutions concrètes et nous les leur avons apportées avec des usines et des matières certifiées. Les marques nous ont ensuite demandé de les aider sur le reste de leur parc de fournisseurs. Les fournisseurs étaient source de propositions sur des labels et des certifications mais les marques ne savaient pas comment se positionner sur ces sujets. Nous avions cette expertise sur l’analyse des fournisseurs et de l'impact des produits. Et nous nous sommes positionnés en tiers de confiance", développe la cofondatrice.

Fairly Made a ainsi développé sa propre plateforme en partenariat avec la DNVB Asphalte et la marque de mode féminine Des Petits Hauts. Deux acteurs au profil différent qui lui ont permis d'éprouver sa solution technologique et sa versatilité selon les modèles d'activité des marques.

La solution leur permet de collecter les informations sur le parc de fournisseurs et d'engager ensuite un travail de collecte d'informations auprès de ces partenaires. "Sur une première collection, nous centralisons toutes les informations dont disposent les marques, détaille Laure Betsch. Certaines ont un ERP (progiciel de gestion intégré) qui a déjà compilé certaines données, d'autres non. En général, c’est un vrai pilote pour comprendre comment les marques fonctionnent et où sont les points de tensions. Bien souvent, elles connaissent l’usine de rang 1. Mais ensuite c’est un travail d'exploration. C’est une cogestion avec les fournisseurs, car cela demande du travail en plus pour les fournisseurs pour récolter les informations. Nos statistiques nous indiquent que l’on connaît 70% du parc de fournisseurs en plus à partir de la deuxième collection. Les marques sont en bas de la montagne, cela leur permet d’identifier les plus gros impacts tout au long de la chaîne et de cibler leur attention dessus. Souvent on traite les reconduits car ce sont les plus gros volumes et les fournisseurs où il y a les plus grosses commandes."
 
La société qui explique réaliser un diagnostic en un minimum de deux mois met en avant une solution en Saas qu'elle rend accessible aux entreprises via un abonnement mensuel pour qu'elles appréhendent directement leurs données, plan de transformation et performances. Cette solution représente à présent 70% du chiffre d'affaires de la société qui entend développer son portefeuille de clients, aujourd'hui constitué d'une cinquantaine d'acteurs (M.Moustache, Patou, Balzac, Dior, Cyrillus, TBS...), en France mais aussi en Europe.

Chasse au greenwashing et durcissement des réglementations



Le potentiel de croissance semble important. Car si le travail est lourd, de plus en plus de marques le perçoivent comme nécessaire. Et ceci pour deux raisons. D'abord parce que les clients désirent avoir ces informations... et se méfient du greenwashing. Ensuite, parce que législations et réglementations se mettent en place sur ces sujets.

La traçabilité devient obligatoire en France sur quatre maillons de la chaîne de production, tout comme l'affichage environnemental qui est attendu pour cette année. Au niveau européen, les régulations doivent être coordonnées pour évaluer l'empreinte environnementale des produits et la communiquer aux clients. Enfin, le metteur en marché de produits textiles va devoir en assurer la fin de vie. Face à cette obligation, les marques et distributeurs doivent impérativement revoir leurs modes de production et connaître parfaitement leur sourcing pour demain maîtriser le recyclage de leurs produits.

"Le Covid a été accélérateur sur les prises de conscience, analyse Camille Le Gal. Cela a été un vecteur de motivation. Avant les responsables RSE étaient un peu seuls. A présent, nous voyons que les ressources humaines et financières se sont multipliées. Notre rôle est de les sensibiliser sur ce qu’il va se passer au niveau réglementaire. Mais nous ne sommes pas alarmistes car il y a du bon et la France est en amont sur ces sujets."

La société propose en complément de sa plateforme des outils sur lesquels les marques peuvent donner les détails de l'origine de leurs produits grâce à des QR codes sur les étiquettes ou des widgets. Des outils qui intéressent les marques pour développer leur potentiel et la vie de leurs produits sur le marché de la seconde main.

Avec des acteurs internationaux comme clients, Fairly Made fait face au défi d'une croissance rapide et au besoin de recruter des développeurs, des ingénieurs textiles et matières et de nouveaux profils. D'une dizaine de personnes l'an dernier, l'entreprise devrait passer une trentaine de salariés fin 2022, avec un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros. Après un premier tour de table l'an passé, les fondatrices travaillent à une seconde levée de fonds de l'ordre de 3 millions d'euros pour accompagner la croissance de la start-up dès cet été. Un apport qui devrait aussi permettre de dupliquer la méthodologie Fairly Made. Issue du textile, elle traite à présent les filières cuir et métallerie. Et regarde du côté du bois.






 

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