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Marguerite Capelle
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21 févr. 2019
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Fendi : adieux aux larmes à Karl Lagerfeld

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Marguerite Capelle
Publié le
21 févr. 2019

On disait adieu à Karl Lagerfeld ce jeudi à Milan, alors que la maison Fendi présentait l’ultime collection créée par le couturier allemand à l’occasion d’un défilé déchirant et sombre.


Fendi - Automne-hiver 2019 - Milan - Photo : CNMI


Son grand ami et DJ de longue date Michel Gaubert a passé le Heroes de David Bowie pour le final, marquant le terme des 54 années de maison de Karl Lagerfeld, qui est mort ce mardi matin à Paris, à l’âge de 85 ans. Beaucoup de mannequins, qui portaient leurs cheveux noirs lissés et des lunettes futuristes, étaient visiblement en larmes, de même que plusieurs cadres de LVMH au premier rang.

Bella et Gigi Hadid présentaient les deux dernières silhouettes : deux robes fluides en mousseline plissée à demi-transparente sur des collants monogrammés, l’une couleur nude, l’autre mandarine, et la première associée à une casquette de jockey en fourrure. Puis Silvia Venturini Fendi est bravement venue saluer - sourire, grimacer, sangloter et secouer la tête, sous un panneau sur lequel était inscrit, dans l’écriture de Karl Lagerfeld : « Love Karl ».

« Les liens entre Karl Lagerfeld et Fendi sont la plus durable des histoires d’amour du monde de la mode et elle continuera à affecter nos vies pendant des années. Je suis profondément attristée par son décès et extrêmement touchée par l’attention et la persévérance constante dont il a fait preuve jusqu’au bout. Quand nous nous sommes appelés quelques jours seulement avant le défilé, il ne pensait qu’à une chose : la richesse et la beauté de la collection. C’est là un témoignage authentique de sa personnalité. Il va tellement nous manquer », déclarait Silvia dans son programme papier.


Fendi - Automne-hiver 2019 - Milan - Photo: CNMI


Alors que les applaudissements déclinaient peu à peu, Karl est réapparu sur un grand écran vidéo, s’exprimant en français pour raconter le souvenir qu’il avait de son premier croquis pour la maison en 1965, ses mains gantées de ses emblématiques mitaines en cuir, s’activant frénétiquement avec un marqueur noir.

« C’est la préhistoire mais je me souviens, dans les années 1960, on n’y allait pas de main morte. J’avais un chapeau Cerruti, les cheveux longs, des lunettes noires, une cravate genre lavallière imprimée et un costard, comme ces trucs de chasse anglais avec des bandes... Norfolk je crois on appelle ça... Avec des culottes à la française et des bottes et un sac que j'avais trouvé à Milan. Voilà, c’est ça. Dans un vague tweed écossais et les imprimés avec des tons de rouge et de jaune... ça je m’en souviens très bien. Voilà c'était ce genre là, mauvais genre. En 1965 », expliquait-il en haussant les épaules, tout en arrachant le magnifique croquis de son carnet.

Karl est célèbre pour avoir inventé le logo au double F inversé de la maison, déclarant souvent pour rire qu’il n’avait jamais touché de droits d’auteur sur la marque. On a repris sa version « Karligraphiée » arrondie de 1981 pour cette saison, sur des collants, des chemises en soie à col pointu boutonnées jusqu’en haut, dans le style inimitable de Karl. Le logo était aussi du meilleur effet sur des boutons en cabochon et des cabans en intarsia de fourrure. Le podium beige en moquette épaisse affichait également l’insigne emblématique en lettres d’un mètre de haut.

C’était un excellent défilé pour un adieu aux podiums, avec de très beaux blousons en cuir ciré, des blazers masculins à la coupe sublime et une série de tailleurs en cuir perforé remarquable, dont plusieurs associés à des sacs Peekaboo ornés des mêmes perforations. Pour les soirées fraîches, une chemise de grand-père rallongée en vison brun, assez sublime, avec un galon jaune jonquille. Pour les grands soirs, plusieurs robes épatantes à épaules pagode, taillées comme des diamants.


Silvia Venturini Fendi vient saluer après le défilé - Photo : CNMI


Et une pointe d’humour pour ce dénouement, que Karl Lagerfeld aurait sûrement appréciée. La chanson d’ouverture était Small Town, de Lou Reed et John Cale. « Quand vous grandissez dans une petite ville, vous vous apercevez que personne de célèbre n’est jamais venu de là », chantait Lou Reed. Karl Lagerfeld, lui, a grandi à Bad Darmstadt, une petite ville de 3 500 personnes environ.

Avant le défilé, une bande de manifestants anti-fourrure a assombri l’ambiance, au moment où les 1 500 invités pénétraient dans l’espace de démonstration de Fendi à Milan. Leurs hurlement furieux étaient totalement déplacés un jour de deuil. Personne ne leur a donc jamais suggéré de respecter un minimum les morts ?

Quand on regarde toute la joie qu’a apporté Karl Lagerfeld avec ses créations exquises et ses bons mots, et tous les emplois que sa créativité a offert aux Italiens et aux employés du secteur de la mode dans le monde entier, cela semblait particulièrement injuste. Et un échec, s’il s’agissait de détourner l'attention des adieux graves rendus à un grand artiste.

Macte virtute sic itur ad astra. Comme l’écrivait sagement le grand poète romain Virgile : aie le courage d’exceller, c’est ainsi que l’on atteint les étoiles.

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