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28 avr. 2014
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Hyères célèbre la réconciliation franco-chinoise

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28 avr. 2014

C’est la Chine nouvelle qu’a accueillie le festival de mode et de photographie de Hyères dans le cadre des 14e Rencontres internationales du textile et de la mode.
Bien loin des échanges vifs d’il y a dix ans sur le système des quotas et les ravages provoqués par l’industrie chinoise dans les ateliers occidentaux.

Une Chine dont les acteurs français de la mode semblaient encore s’étonner des progrès en seulement quelques années. Globalement modestes et portés à l’apaisement, les Chinois présents à la table-ronde sur le thème "La Chine, perspectives d’échanges et de développement croisés" n’ont ainsi pas eu de mal à convaincre de l’évolution de leur industrie et plus globalement de leur secteur de la mode tant les acteurs hexagonaux s’en sont fait directement l’écho.

Dominique Jacomet, directeur général de l’Institut français de la Mode, a insisté sur la renaissance que vit la Chine aujourd’hui, en écartant le terme de pays émergent pourtant abondamment utilisé ici et là. "La Chine vit une renaissance. Ce n’est pas un pays émergent, a-t-il souligné. Il faut se rappeler qu’au XVIIIe siècle la Chine représentait plus du tiers de la production mondiale et l’Europe seulement 20 %".

De gauche à droite, Didier Grumbach, Pascal Morand en animateur, Du Yushou et l'interprète. Photo Pixel Formula


En clair, la Chine aujourd’hui retrouve la grandeur de son passé. Et, pour le directeur général de l’IFM, c’est le rêve chinois que de réussir cette renaissance. "Un rêve qui est aujourd’hui une réalité", a-t-il insisté.

Du Yushou, président honoraire de l’association chinoise de l’industrie de l’habillement (China national garment association) n’a pas manqué lui aussi de se faire l’écho de cette évolution: "Il y a eu beaucoup d’incompréhension et de conflits entre la Chine et les pays occidentaux, a-t-il relevé durant ces dix dernières années marquées par la fin des quotas. C’était la théorie de la menace chinoise. Puis, il y a eu beaucoup d’échanges entre notre fédération et d’autres fédérations nationales. Il y a eu par exemple la signature d’un accord avec l’Europe qui a institué les clauses de sauvegarde. Petit à petit, les craintes ont été brisées".

A Hyères version 2014, on ne parlait donc plus de cette menace chinoise en termes de production et d’industrie. Mais se révélaient bien dans les interventions des uns et des autres des interrogations sur la capacité des Chinois à créer… plutôt qu’à imiter.

Pour Du Yushou, il faut d’abord comprendre que la définition de la création de mode n’est pas la même en Chine que, peut-être, en Occident, en France en tout cas. "La création de mode en Chine n’est pas purement artistique. Elle intègre la notion de temps et d’époque", a-t-il souligné.

Autre élément important: la dimension culturelle du pays qui serait nécessaire pour développer une création de mode. Là aussi Du Yushou est catégorique: "L’histoire et la culture de la Chine sont au même niveau que celles de la France, de L’Europe", a-t-il relevé.

Si cet avis n’est pas tout à fait partagé par son jeune compatriote Mao Ji-Hong, fondateur et président de la marque Exception, de MixMind - celui-ci relève le long chemin à parcourir sur le plan culturel et artistique -, il constate toutefois de nombreuses passerelles entre pays aujourd’hui, du fait de la mondialisation.

Le public de la table-ronde sur la Chine était très attentif. Photo Pixel Formula


Chen Dapeng, vice-président de l’association chinoise de l’habillement, évoque aussi cette convergence entre pays du fait de la globalisation. "Il y a une convergence internationale aujourd’hui, des équipes marketing en Chine qui viennent de l’étranger par exemple". Tout en soulignant: "La création doit avoir des bases solides, notamment une compréhension des consommateurs, des modes de vie en vogue, des événements multiculturels, explique-t-il. Mais il faut savoir transformer une création en produit qui se vend".

Didier Grumbach, le président de la fédération française de la couture insiste "sur le phénomène des réseaux IFM. Avec des étudiants chinois retournés en Chine…".

Il y a aussi les stylistes occidentaux qui travaillent avec des marques chinoises. Comme Anne-Valerie Hash et Marcel Marongiu, comme l’a souligné Zhang Zhé, consultant.

S’il y a encore peu de créateurs chinois défilant par exemple à Paris, Zhang Zé constate que nombre de marques chinoises connaissent le succès sur le moyen-haut de gamme avec des prix situés entre 200 et 250 euros, profitant du boom de la classe moyenne.

"Bien sûr, le marché du luxe passe aujourd’hui par les marques européennes, souligne-t-il. Mais elles ne sont pas présentes sur le créneau intermédiaire du moyen-haut de gamme. Il y a peu de marques européennes. Les marques chinoises ont progressé très vite sur ce créneau".

Or, selon la définition même de Philippe Pasquet, président du directoire de Première Vision, ce sont ces classes moyennes qui assurent le passage de l’achat de vêtement à l’achat de produits de mode. Celui-ci y voit un "futur enthousiasmant".

Et puis, à la fin de la table-ronde, une certaine Chine d’hier (?) s’est rappelée au bon souvenir du public et des intervenants. Via une formule malheureuse (?) de Liu Shuren, président de la chambre de commerce de Wuhan et président du groupe Yante. "Une imitation réussie, heureuse, c’est aussi une création", a-t-il eu l’audace d’affirmer…

Quelques sourires sous la tente des Rencontres et une réaction vive du jeune fondateur de Mixmind, défendant l’idée de création, et qui s’est même prolongée après le débat public, auront sans nul doute à peine eu raison du propos iconoclaste.

Mais question essentielle: l’imitation heureuse est-elle le propre de la seule pratique chinoise ?

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