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Jonathan Smith : "sur Weibo, le client s’informe et, sur WeChat, il peut partager son expérience "

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1 oct. 2014

Comment utiliser les réseaux sociaux chinois pour soutenir le lancement d'une marque occidentale en Chine ? Jonathan Smith, PDG de Hotpot Digital, une agence anglaise de stratégie en médias sociaux intervenant exclusivement en Chine, a donné quelques pistes lors de China Connect, le rendez-vous européen du marketing, du numérique et du mobile en Chine fondé et dirigé par Laure de Carayon, qui se tient chaque année en mars mais qui organise aussi des journées thématiques, comme ce 7 octobre sur les réseaux sociaux justement.


Jonathan Smith au dernier China Connect.



FashionMag : Toute campagne sur Weibo (le Twitter chinois) débute par l’ouverture d’un compte pour une marque. Quels sont les moyens d’augmenter le nombre de ses followers ?

Jonathan Smith :Nous alimentons régulièrement le compte Weibo de chaque marque avec des informations dignes d’intérêt pour un public chinois. Pour Mulberry, par exemple, nous mettons en avant le côté très anglais de la marque, la fabrication artisanale des articles en Angleterre. Mais au-delà du compte Weibo, l’objectif est aussi de créer le buzz autour d’événements spécifiques. Pour le lancement du sac Mulberry dessiné par Cara Delavingne, nous avons incité un KOL (Key Opinion Leader) spécialiste des sacs à lancer un hashtag #c’est mon sac# (en chinois) et à créer naturellement des conversations autour du sac.

FM : Comment recrutez-vous les KOL (Key Opinion Leaders) sur Weibo et les rémunérez-vous ?

JS : Il faut que l’influenceur corresponde parfaitement à l’univers de la marque. Pour Mulberry, nous avons choisi Nancy Zhang, qui a 215.000 followers sur Weibo, car c’est une illustratrice, ce qui concordait bien avec l’aspect artisanal de la marque. Pour Farfetch, la plate-forme de e-commerce de mode pointue, le challenge est différent. L’idée était de cibler les personnes qui lancent les tendances et aiment sortir du lot. Nous avons fait appel à Gogoboi, qui est suivi sur Weibo par plus de 1,5 million de personnes. Cet ancien journaliste, très exigeant en termes de contenu, a invité des stars coréennes, extrêmement populaires en Chine, à porter des vêtements vendus sur Farfetch. En général nous ne les rémunérons pas, nous préférons que leur enthousiasme pour la marque soit authentique et apparaisse comme tel. Et pour eux, c’est toujours un plus d’être associé à des marques occidentales.

FM : Utilisez-vous aussi des expressions spécifiques chinoises pour argumenter et soutenir une marque ou un article ?

JS : Pour Farfetch nous avons créé une image pendant le Nouvel an chinois en jouant autour du caractère 福Fu, qui signifie bonheur, en lui donnant un ton décalé et avant-gardiste. Et nous avons associé à la marque le caractère晒Shai, qui évoquait avant la richesse matérielle, mais renvoie maintenant à l’idée de communiquer sa connaissance et sa compréhension des marques.


FM : Conseillez-vous également vos clients sur la traduction de leur marque en chinois ?

JS : C’est un point intéressant. Parfois la traduction n’est pas nécessaire, comme pour Mulberry, qui a un nom suffisamment court. Mais certains doivent traduire leur marque, et c’est là qu’il faut faire particulièrement attention. Bottega Veneta a par exemple fait un choix malheureux avec 葆蝶家 Baodiejia. Si phonétiquement, le nom chinois est proche de l’original, et si les caractères séparément évoquent le raffinement du papillon, le résultat final fait penser à une chaîne de cosmétiques bon marché, très loin du positionnement d’une marque de luxe.

FM : Après une campagne de communication ou de publicité, les marques ont-elles un moyen d'évaluer leur notoriété sur les réseaux sociaux chinois ?
JS : Nous pouvons évaluer la base de fans d’une marque, et dégager un profil type. Nous pouvons aussi mesurer leur engagement à travers le nombre de partages, et également effectuer des études qualitatives. Pour des enquêtes à plus grande échelle, nous pouvons faire appel à des sociétés comme CIC, spécialisées dans la mesure d’audience sur les médias sociaux chinois.

FM : Quel est l'apport de la plate-forme de messagerie instantanée WeChat par rapport à Weibo ?

JS : WeChat permet de pallier l’absence du marketing par e-mail en Chine, et instaure une relation avec le consommateur. Les deux réseaux sociaux sont donc complémentaires : sur Weibo, le client s’informe et sur WeChat, il peut poser des questions, partager son expérience et payer ses achats.

FM : Alors qu’elle s’était jusque-là concentrée sur Weibo, la censure gouvernementale a il y a quelque temps supprimé plusieurs comptes de WeChat dont elle estimait le contenu trop politique. Craignez-vous que la censure se fasse aussi économique pour les marques occidentales faisant trop d'ombre aux marques chinoises ?

JS : La censure est un problème qui préoccupe nos clients, mais aucun d’eux n’a jamais eu à en faire les frais. Le mieux est d’éviter les sujets sensibles, par exemple quand une marque fait du sourcing au Tibet, il est préférable de ne pas en parler sur Weibo. Et jusqu’à présent, la censure n’a pas eu d’impact significatif sur l’utilisation de Weibo comme base de recherche sur les marques.

Marie-Hélène Corbin

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