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15 août 2014
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Karstadt : en péril, les grands magasins allemands changent encore de main

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15 août 2014


D'un milliardaire à l'autre, les grands magasins Karstadt et leurs 17 000 salariés vont changer de main, sans savoir si cette enseigne emblématique des centres-villes allemands est encore capable de survivre de ses propres forces, ni à quel prix.

La chaîne, qui est à l'Allemagne ce que Le Printemps ou les Galeries Lafayette sont à la France, souffre depuis des années d'une image poussiéreuse de magasins fourre-tout et a frôlé plusieurs fois la faillite.


Photo AFP



Son propriétaire actuel, le milliardaire Nicolas Berggruen, a annoncé vendredi son désengagement : il laisse la main au magnat de l'immobilier autrichien René Benko, repreneur à la carrière fulgurante dont le projet est encore bien flou.

La division "Signa Retail acquiert 100% de la société Karstadt auprès de la holding Berggruen et veillera à la clarté nécessaire au sein de l'entreprise", a annoncé vendredi Signa, la holding immobilière de René Benko.

Celui-ci avait déjà versé 300 millions d'euros à l'automne dernier pour acquérir la majorité des magasins positionnés sur le luxe - parmi lesquels le prestigieux KaDeWe berlinois - et le sport. Il disposait d'une option pour acquérir le reste, qu'il exerce sans débourser un sou de plus.
Le propriétaire actuel se retire ainsi "complètement" du groupe Karstadt, a précisé Signa.

Nicolas Berggruen file ainsi en catimini, après s'être posé en sauveur de cette chaîne emblématique, fondée en 1881. Son départ laisse un goût amer aux salariés, qui ont subi 2 000 suppressions de postes l'an dernier et dont les salaires sont gelés jusqu'à la fin 2016.

Fils d'un célèbre collectioneur d'art allemand, il avait sauvé en 2010 de la faillite pour un euro symbolique la chaîne, victime d'une gestion erratique, et promis, au moyen d'investissements, de la remettre sur pied.

Quatre ans plus tard, il reconnaît son échec. "Nous nous sommes battus", dit le "milliardaire sans domicile fixe" - surnom glané auprès du Wall Street Journal car il passe sa vie dans des hôtels - dans un entretien au quotidien Bild a paraître samedi. "Karstadt était dans un état encore pire que ce que nous pensions" au moment de la reprise, se défend-t-il.

Concurrencée par le commerce en ligne, l'enseigne n'a pas réussi à se repositionner. Elle a accusé une perte nette de 120 millions d'euros en 2013 et sa dernière patronne en date, la transfuge d'Ikea Eva-Lotta Sjöstedt, a jeté l'éponge au bout de cinq mois.

Manifestement, critiquent syndicats et salariés, Nicolas Berggruen n'a rien investi de ses propres deniers, évalués par Forbes à 1,9 milliard de dollars. Le syndicat des services Verdi s'est dit vendredi "déçu" par cet "investisseur soi-disant philantrope".

Le Karstadt qu'il lègue à son successeur se découpe en trois entités : 83 magasins classiques - dont 20 ne sont plus rentables selon la direction, 28 dédiés au sport et 3 magasins de luxe.

René Benko, 37 ans et une condamnation pour corruption à son actif, a déjà injecté des liquidités dans les segments les plus rentables du groupe sur lesquels il avait la main, mais le reste de sa stratégie reste inconnue.

"L'important désormais, c'est que le calme revienne", a déclaré Wolfram Keil, directeur de la division Signa Retail, promettant une stratégie d'assainissement. Un conseil de surveillance doit avoir lieu jeudi.

"Il est important que les intérêts des salariés soient inclus dans la décision à venir", a réagi un porte-parole du gouvernement allemand, tout en précisant que la reprise de Karstadt restait une affaire privée.

En 2011, René Benko s'était montré intéressé par les grands magasins Kaufhof, concurrent principal de Karstadt, dont le propriétaire Metro aimerait se défaire. Sa reprise de Karstadt va assurément relancer les spéculations sur une éventuelle fusion entre les deux concurrents.

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