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29 janv. 2023
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Kenzo, Arturo Obegero et Wooyoungmi: trois visions contemporaines de l'homme

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29 janv. 2023

​​La Fashion Week Homme de Paris, dédiée aux collections pour l’automne-hiver 2023/24, s’est achevée le 22 janvier, marquée par quelques inoubliables défilés-spectacles. Kenzo a réuni plus de 1.000 personnes dans la salle Pleyel, avec un incroyable parterre de stars. Wooyoungmi a mêlé les cultures sud-coréennes et européennes et Arturo Obegero rappelle pourquoi il a séduit Harry Styles.


Kenzo, automne-Hiver 2023/24 - DR


Un an après sa prise de direction chez Kenzo, Nigo pousse sur l’accélérateur. A l’image de ce troisième défilé, qui a attiré tout ce qui compte de plus illustre dans le monde artistique. Plus d’une cinquantaine de célébrités avaient fait le déplacement, dont les chanteurs Pharrell Williams, Troye Sivan, Erika Jayne, les rappeurs Skepta, Tyga et Kodak Black, venus en famille, la pop star française Aya Nakamura, ou encore l’actrice Lisa Rinna. Sans omettre le rappeur américain Lil Baby, qui a animé l’after-show dans le foyer de la salle de concert.

Par rapport à ses deux collections précédentes, le directeur artistique de la griffe japonaise, détenue par le groupe LVMH, semble prendre un peu ses distances avec l’héritage du fondateur Kenzo Takada, en puisant d’avantage dans son propre imaginaire au parfum Sixties, au risque de dérouter son public. La collection très éclectique part, en effet, dans plusieurs directions, Nigo jouant aux équilibristes entre un filon clairement british, piochant dans les univers sartorial, country et mods, et l’influence japonaise, dans les constructions et les techniques textiles.


Kenzo, automne-Hiver 2023/24 - DR


Ainsi, les costumes en tweed à carreaux enfilés sur chemise et cravate s’alternent à des tenues de week-end décontractées avec vestes à poches, en corduroy ou en peau de mouton retournée, chandails à motifs écossais "fair isle" et pantalons confortables en denim ou toile solide, portés avec des sabots ou une paire de bottes en caoutchouc Hunter (l’historique marque britannique utilisée par les chasseurs anglais). Les vestes courtes sans col font immanquablement penser aux Beatles, dont les tubes servent de bande-son au défilé, interprétés via une orchestration d’instruments à cordes par les jeunes musiciennes japonaises du 1966 Quartet.

Pour les filles, le styliste japonais imagine des tailleurs mini-jupes tartans ou à grosse poches, en velours côtelé ou laine peignée, ainsi que des ensembles en maille décoré de micro-fleurs tout aussi mini et sixties, qui contrastent avec des silhouettes plus rétros à longues jupes ou robes à volants froncés, associées à des mini-capes en laine. Là encore, Nigo donne l’impression de vouloir faire appel à une multitudes de références, qui pourraient désorienter les fans de la marque.


Kenzo, automne-Hiver 2023/24 - DR


Sans doute, le côté japonais avec des silhouettes de samouraïs, et en particulier la série de pièces en denim japonais, séduisent davantage. L’uniforme de Kendo est revisité, l’ample jupe-culotte à plis hakama et la veste kimono haori sont déclinés dans des lainages pour costumes masculins ou dans du denim, ou encore dissociés et portés avec des hauts et des bas du typique vestiaire masculin. La veste haori, en particulier, est proposée dans des matières inattendues comme ces veaux velours luisants à poils ras ou cette laine bouclée effet peluche. Certaines pièces matelassées, tel manteau, veste et gilet, sont réalisées quant à elles via la technique de broderie traditionnelle Sashiko.

Le denim a la part belle dans de larges pantalons et jupes tournantes mi-longues, ainsi que dans des salopettes et de grandes vestes. Le col des classiques blousons en jean rappelle celui en Y des kimonos. "Le denim exploite les lavages des jeans originaux Kenzo des années 1980 et 1990, certaines pièces étant imprimées sur le dos du tissu comme sur la surface extérieure, ce qui permet un effet graphique lorsque les ourlets sont remontés", précise la maison dans une note.

Arturo Obegero se lance dans le prêt-à-porter



"Mon intention était de jouer avec l'archétype de la 'femme fatale', un personnage des années 40 et 50 et du genre 'film noir', que j'aime énormément sur le plan esthétique. J'ai voulu renverser ce terme, qui est toujours associé aux femmes maléfiques et a une connotation très sexiste. Le fait qu'il s'agisse de femmes intelligentes, sexuellement puissantes et qui savaient ce qu'elles voulaient n'était pas considéré comme positif ; alors que si c'est un homme qui est associé à ces caractéristiques, cela a toujours été vu comme quelque chose d'admirable", a expliqué le designer asturien Arturo Obegero à FashionNetwork.com à propos de sa dernière collection, intitulée "Homme fatal".


Arturo Obegero - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree



Vingt looks qui combinent une confection extravagante avec des propositions de pantalons de torero abstraits, de vestes de tailleur, de corsets du XVIIIe siècle, de vestes courtes et de pantalons hauts, de manteaux oversize, de vestes en denim, de chemises en coton épais et de formes architecturales, de robes sarong drapées sur le corps et une première incursion dans le segment de la maille avec un pantalon de jogging en cachemire et en laine avec les détails d'un pantalon de costume classique.

Certains des vêtements ont également été fabriqués à partir des rideaux de théâtre utilisés pour l'une de ses premières collections. On a remarqué un manteau de fourrure rouge qui avait captivé la ministre française de la culture, Rima Abdul Malak, lors de sa visite à la présentation du showroom Sphère le premier jour de la Fashion Week.


Arturo Obegero - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree



Les intentions d'Arturo Obegero étaient claires quant aux objectifs de la proposition dévoilée dans un format de présentation au Palais de Tokyo : "Mon but était de refléter le pouvoir de la mode pour donner du pouvoir aux hommes au XXIe siècle". Son habituelle "touche queer" ne manquait pas, un style avec lequel il a réussi à séduire le chanteur britannique Harry Styles, qui a déjà porté la marque lors de sa tournée et dans le clip de sa chanson "As It Was".  "J'aimerais continuer à travailler avec lui, c'est une pure folie qui a catapulté la marque dans les médias", a reconnu Obegero.

De nature fluide, ses créations sont universelles. "Souvent, en essayant de ne pas créer d'étiquettes, on finit par en mettre plus. Le plus important est de vivre et de respecter. Au bout du compte, ces vêtements ne sont que des morceaux de tissu que je découpe et couds à partir d'un patron, ils n'ont pas de genre. Je ne les définis pas, il y a beaucoup de marketing autour des notions de "sans sexe" ou "fluide". Pour moi, c'est quelque chose qui doit être traité naturellement parce que, en plus, ce n'est pas nouveau et ces choses existent depuis le XIVe siècle", a défendu le couturier. Et de conclure : "Mes créations sont destinées à ceux qui se sentent bien et valorisés lorsqu'ils les portent.

" Je voulais montrer que je suis aussi capable de faire des vêtements de prêt-à-porter, plus adaptés à la vie de tous les jours ", a déclaré le couturier né à Tapia de Casariego à propos de son désir de continuer à maintenir son " essence couture élevée et élégante ", tout en développant une proposition " plus accessible, que tout le monde peut porter et qui, économiquement, finance les créations couture ". Pour le créateur de vêtements pour hommes basé à Paris, cette étape souligne "l'évolution et la maturité de la marque". "L'objectif n'est autre que de pouvoir proposer une garde-robe complète", a-t-il souligné, montrant, par exemple, le premier bombers de la marque avec un ourlet bouffant et un jean avec un soupçon de lingerie.

Wooyoungmi, beauté épurée sous le volcan



Voilà 20 ans que Woo Youngmi fait dialoguer sa culture sud-coréenne et la mode parisienne. Pour sa collection automne-hiver 2023-24, la créatrice continue d’explorer cette conversation entre extrême-orient et occident. 


Wooyoungmi - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree


 
L’ouverture de sa large proposition, dévoilée sous la grande verrière du Palais de Tokyo dimanche, a laissé avancer un groupe d’hommes et de femmes, peaux diaphane et cheveux long, tels des déités scandinaves habillées de grands manteaux ou des costumes unis avec des vestes un ou deux boutons ou des manteaux croisés, aux amples coupes et aux couleurs crème, écru, vert d’eau, ocre ou noir.
 
Chacun portait en boutonnière, en collier, à la ceinture, sur l’anse d’un sac ou la tige des sneakers un imposant bijou sphérique. Une pièce qui s’impose comme l’une des signatures de la saison et attire le regard sur ces pièces aux étoffes élégantes. « Dans une recherche sur les bijoux portés par les souverains du royaume de Silla, qui a façonné la Corée du Sud pendant mille ans, de 57 avant J.-C. à 935 après J.-C., Mme Woo réinterprète leur expression dans un langage contemporain. Conservant les formes des bijoux utilisés à l'origine pour orner les pièces excessivement décorées, elle réduit les bijoux à une forme centrale et les magnifie pour leur donner des dimensions sculpturales », détaille la marque dans sa note d’intention.


Wooyoungmi - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree


 
Le tailoring s’exprime largement dans cette collection mais Woo Youngmi explore aussi des silhouettes plus streetwear avec une thématique volcanique, s’inspirant du volcan de l'île de Jeju, au sud du pays.

D’une broderie sur le cœur d’une varsity jacket pastel, à des imprimés d’éruption volcanique sur des pantalons denim ou dans des t-shirts en tricot porté sur un denim droit et large de cowboy, serré à la taille par une très large ceinture à imprimé python. Des ceintures, en format extra-large et tombant quasiment jusqu’au genou, éditées en vert émeraude, bleu turquoise ou orange, qui viennent accessoiriser tenues casual ou plus formelles. Le motif volcan s’exprime enfin en grand par une broderie soigneuse sur l’avant d’un blouson court noir.

Dominique Muret, Triana Alonso et Olivier Guyot

 

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