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L'Opéra de Paris s'habille "comme vous et moi"

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14 juin 2019

Moulins, 14 juin 2019 (AFP) - Fini les personnages « cousus d'or », avec velours, damas et budgets faramineux : à l'Opéra de Paris, on s'habille sur scène presque comme dans la rue, mixant fripes et pièces couture. Avant de puiser dans le vêtement du quotidien, le costume de scène a traversé de multiples courants esthétiques depuis l'inauguration du Palais Garnier en 1875, qu'il ait été dessiné par des grands peintres pour un seul spectacle ou pensé pour être utilisé sur scène pendant un demi-siècle.


Des costumes de Gareth Pugh, à l'exposition « Habiller l'opéra » organisée au Centre national du costume de scène (CNCS) à Moulins (centre), le 23 mai 2019 - AFP/Thierry Zoccolan


Aujourd'hui, « c'est la mode du vous et moi », déclare à l'AFP Martine Kahane, historienne de l'art et l'une des commissaires de l'exposition « Habiller l'opéra » organisée au Centre national du costume de scène (CNCS) à Moulins (centre), dans une caserne du 18e siècle.

Les raisons de ce revirement esthétique sont financières - les productions se sont multipliées après l'ouverture du « populaire » opéra Bastille en 1989 et les budgets ont réduit - mais surtout artistiques : alors que les mises en scènes et les décors se sont modernisés, le costume participe d'autant plus à la dramaturgie qu'il est issu du vestiaire de tout un chacun.

« Regardez le métro, c'est extrêmement théâtral : les sweats, les baskets, la casquette... c'est dessiné, ce n'est pas n'importe quoi. Nos tee-shirs et nos rayures débarquent sur scène ! » souligne Martine Kahane.Un militaire représenté sur scène, « avant c'était des épaulettes, des galons dorés. Qu'est-ce que vous faites pour les jeunes générations ? Une tenue de para », poursuit-elle.

Le fait de puiser dans le vestiaire contemporain présente aussi l'avantage de « créer un univers » spécifique pour le spectacle voire de « moderniser » des oeuvres du 18e siècle, explique à l'AFP Christine Neumeister, directrice des costumes de l'Opéra de Paris.

« On achète au kilo »

Ainsi aperçoit-on dans l'exposition des uniformes de policiers antiémeutes pour les « Indes galantes », opéra-ballet de Rameau composé en 1735, à l'affiche en septembre. A côté, un stock de tee-shirts blancs avec des étiquettes « comme à la colonie de vacances » avec les noms des artistes et leurs personnages.

Depuis « qu'il y a du contemporain, on chine dans les friperies, on achète parfois au kilo », raconte Christine Neumeister.

Du sur-mesure, les ateliers en font toujours. Certains costumes en feutre pour l'opéra Les Puritains, présenté à la rentrée, sont décorés de bandes coupées au laser et tressées, mais ouverts sous le bras pour que le chanteur n'ait pas trop chaud sur scène.

« Dans les années 1980, quand j'ai commencé ma carrière il y avait beaucoup plus d'argent, on pouvait passer plus de temps, coudre à la main », se souvient Christine Neumeister. Aujourd'hui, « on aurait du mal » à imaginer les somptueuses productions de cette époque. Mais "les contraintes stimulent souvent la créativité » et les petites mains des ateliers sont polyvalentes.

Et il arrive encore que les créateurs de mode soient invités pour certaines productions, apportant à l'opéra de nouveaux codes et techniques contemporaines. C'est ainsi que le Britannique Gareth Pugh a rajeuni en 2016 Eliogabalo, opéra du 17e siècle avec des tenues architecturales et androgynes. Pour Trompe-la-Mort, le Belge Tim Van Steenbergen s'est inspiré des gravures du 19e siècle de Gustave Doré pour les retravailler de façon numérique, puis les imprimer sur les costumes.

Aujourd'hui, les tissus sont souvent techniques, les bijoux en plastique et les paillettes ne sont plus cousues une par une, mais collées. Et certains savoir-faire se perdent: il ne reste que deux plumassiers en France contre 400 il y a un siècle.

Par Olga Nedbaeva

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