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Clémentine Martin
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11 juil. 2022
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Leandro Cano et Juana Martin célèbrent l’Andalousie pendant la haute couture parisienne

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
11 juil. 2022

L’Andalousie a toujours été une terre de passions, mais elle semble aujourd’hui plus à la mode que jamais. Lors de son dernier défilé croisière, Dior a dépeint Séville sous les traits d’une carte postale de rêve, avec une mise en scène idyllique née de l’imagination de sa directrice artistique, l’Italienne Maria Grazia Chiuri. Dans cette collection, elle a revisité les codes classiques du flamenco et de l’imagerie religieuse espagnole. Les titres et les chorégraphies de la chanteuse Rosalía, reconnue internationalement, sont aussi inspirés de cette région du Sud de l’Espagne. Mais elle n’est pas la seule : dernièrement, de nombreux groupes et artistes s’approprient le folklore traditionnel de la région pour le réinventer. À l’étranger, rien de tout cela ne paraît cliché ou démodé : sous son nouveau jour, l’Andalousie séduit. Et la richesse de sa culture conquiert à grandes enjambées les villes du monde entier, dont Paris, où vient de se terminer la semaine de la Haute Couture.


Juan Pérez / Leandro Cano


Faire connaître l’artisanat andalou



Il aura fallu trois mois de dur labeur pour confectionner “Las Bellas Criaturas“ (Les Belles Créatures), une combinaison de coton blanc décorée de grandes poupées et de tours brodées à la main avec des éléments bleus, représentant le poids qui pèse sur les épaules des femmes. Et ce n’est qu’un des dix looks exclusifs présentés par le créateur Leandro Cano, originaire de Jaén. Dix looks pour dix ans : sa collection revendique la tradition et la valeur de l’artisanat de sa région. Il a défilé à l’ambassade d’Espagne à Paris, un espace également plébiscité par la griffe espagnole Oteyza quelques jours auparavant et qui commence à devenir incontournable pour les marques de mode.

Intitulée “El Baile de los Excluidos“ (Le Bal des Exclus), la présentation mélangeait différentes références “bucoliques avec des rêves“ et rendait hommage aux personnes mises à part au Moyen-Âge en raison de leur différence. Au rythme des tambours, le défilé s’est ouvert sur un Nazaréen tout de noir vêtu, rappelant une procession de la Semaine Sainte. Lui succédaient des silhouettes élaborées, caractérisées par des volumes exagérés, dont une robe inspirée d’une armure métallique composée de 1.750 mètres de chaînes, un costume masculin en laine décoré de plus de 3.000 clous dorés et pesant la bagatelle de 15 kg, un look rouge en crochet faisant référence à celui que portait Lady Gaga il y a quelques années et même une robe longue aux réminiscences papales défilant sous un dais, en un nouveau clin d’œil à la Semaine Sainte andalouse.

“C’est un moment idéal pour célébrer les marginaux et revendiquer l’artisanat de notre pays, largement apprécié à l’étranger“, expliquait Leandro Cano en coulisses du défilé. Le couturier est né en 1984 à Ventas del Carrizal (Jaén) et a imaginé cette collection pendant la pandémie, qu’il a vécue comme une période d’inspiration, entouré des femmes de sa famille.

Il a présenté sa dernière collection de prêt-à-porter en Espagne en avril dernier. Pour appuyer son engagement envers les artisans, Leandro Cano a aussi publié un court-métrage documentaire intitulé “Caballo Ganador“ (Cheval Gagnant), centré sur le savoir-faire de ses équipes. “Je veux montrer ce que font les artisans avec lesquels je travaille. Je veux être un créateur qui donne à voir le travail qu’il y a derrière ses collections au lieu de l’occulter. J’en suis fier“, affirme-t-il.


Juana Martín


La première femme espagnole gitane au calendrier officiel



Juana Martín, elle, est originaire de Cordoue. Elle est revenue dans la capitale française par la grande porte ; il faut dire qu’elle y défile depuis 2020. Et pour la première fois, elle est entrée au calendrier officiel de la Semaine de la Haute Couture. Une étape déterminante pour sa carrière et pour la mode espagnole toute entière. “Je suis une femme espagnole, andalouse, gitane, mère et entrepreneuse et je viens d’entrer dans l’histoire. Pour moi, il est très important de transmettre une vision de l’Andalousie qui dépasse le folklore et reflète son histoire et sa tradition. Nous avons l’art, la poésie et la couleur“, a revendiqué la créatrice après son défilé dans les jardins du Lycée Victor Duruy.

Tout comme Leandro Cano, Juana Martín a voulu rendre hommage à sa terre et à sa culture, et traduire à Paris l’essence de sa région. Intitulée “Andalucía“, la collection a été présentée par la muse d’Almodóvar, Rossy de Palma, chargée d’ouvrir le défilé vêtue d’un long manteau blanc brodé. Le chanteur Israel Fernández et le guitariste Diego del Morao se chargeaient de la bande sonore, sur laquelle défilaient des silhouettes en noir et blanc dignes de l’univers de Lorca. “J’ai eu envie de présenter quelque chose de sombre, de trouver la lumière d’Andalousie dans la couleur noire“, confiait Juana Martín. Les accessoires apportaient tout de même quelques touches d’orange électrique.

Une cape rappelait un boléro taurin, avec des volants exagérés autour du cou ; un look noir décontracté était décoré de pois semi-transparents, tandis qu’une robe était associée à une chasuble sacerdotale ornée de broderies métallisées. Une mini-robe sensuelle sphérique était parcourue de plis, et plusieurs vêtements étaient structurés par les volants emblématiques de la maison. Les ateliers de la griffe, à Cordoue, se sont chargés de toute la fabrication. Les accessoires, eux aussi, abondaient : un chapeau traditionnel de Cordoue, des chaussures plates imaginées par la maison française Felger pour l’occasion, des masques et des toques en résille rappelant les balcons andalous. Les bijoux en argent, avant-gardistes et ornés de fleurs, étaient signés des orfèvres de Plata Pura.

“Avec la mondialisation, nous sommes obligés d’accepter la différence. J’ai voulu mélanger les codes masculins et féminins sans frontières, mais aussi blanchir, épurer et redorer l’image de l’Andalousie dans les histoires que nous racontons. Je veux que nos récits soient internationaux et se comprennent au-delà de nos frontières“, souriait la créatrice lors de la journée de clôture de la Haute Couture, saluée par des applaudissements nourris.

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