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7 janv. 2021
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Les stations de ski et leurs commerces espèrent pouvoir rouvrir pour les vacances de février

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7 janv. 2021

Le chape de brouillard ne semble pas prête de se lever sur les montagnes françaises. Alors que les acteurs du tourisme de montagnes et les nombreux commerces qui lui sont associés revendiquent depuis la fin du second confinement, fin novembre, la possibilité de rouvrir les remontées mécaniques, la date de réouverture annoncée par le gouvernement du 7 janvier semble s'éloigner. Lucides sur la forte probabilité de voir la fermeture des remontées mécaniques prolongée jeudi, les stations de ski françaises espèrent que le gouvernement suivra les préconisations du secteur pour au moins sauver les vacances de février, cruciales pour leur économie fragile.


Des skieurs sur une piste de la station de Villard-de-Lans, le 5 janvier 2021 en Isère - / AFP


Dans un communiqué cette semaine, Domaines Skiables de France (DSF) a enjoint le gouvernement "à l'action et à la prise de décision", soulignant qu'à quatre semaines des vacances de février, "l'enjeu est majeur pour remettre en route les stations, privées de 80% d'activité à Noël".

Depuis des semaines, les communes via l'Association nationale des maires des stations de montagne, domaines skiables, entreprises et commerces des territoires multiplient les alertes à l'attention du gouvernement, les déclarations pointant du doigt la fermeture des remontées mécaniques au grand air alors que les centres commerciaux fermés ont pu rouvrir.

Mercredi, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a indiqué que les stations devraient attendre l'intervention du Premier ministre ce jeudi pour être fixées, garantissant seulement à celles-ci le souci gouvernemental de "leur donner de la visibilité". Mais dans la soirée, le Dauphiné Libéré annonçait que Jean Castex ne devrait finalement prendre une décision que le 13 janvier, à l'issue du prochain conseil de défense sanitaire.

"C'est l'incertitude qui est la plus délicate", avance Éric Bouchet, directeur de l'office du tourisme des Deux Alpes (Isère). "Pour que la saison se prépare il faut (...) permettre aux réservations d'être prises, préparer le domaine, les équipes et organiser le recrutement et le logement des saisonniers".

"Ce n'est pas en claquant des doigts qu'on va rouvrir une station et passer de 0% à 100% d'activité du jour au lendemain", abonde Vincent Gatignol, directeur de la station de Super Besse, dans le Puy-de-Dôme.

"Ce qu'on voudrait, c'est qu'on puisse envisager une ouverture sous conditions, avec par exemple un système de jauge. Mais le plus tôt possible parce que le point d'orgue reste les vacances de février", poursuit Akim Boufaïd, directeur de la station de Saint-Lary, dans les Pyrénées françaises.

"On a besoin du ski alpin car il fait vivre le territoire l'hiver. On a pu s'en passer un peu, mais il va vite falloir qu'un retour à la normale s'opère. Pour l'heure, nous n'avons pas de demande de séjour pour février", s'inquiète Christophe Lebel, directeur de l'office du tourisme des stations fusionnées d'Autrans et de Méaudre, sur le plateau du Vercors (Isère).

Facture à 1,5 milliard



Dans un premier bilan d'étape de la saison, les professionnels de la montagne ont fait état cette semaine d'un taux d'occupation en "chute libre", évoquant la perte de chiffre d'affaires de l'ensemble de la filière à 1,5 milliard d'euros sur les deux semaines des congés de Noël, "une catastrophe économique pour tout l’écosystème de la montagne".

A Saint Lary, où la baisse des réservations avoisine les 40% sur la quinzaine de Noël, le bilan comptable des remontées est évidemment limpide: "zéro activité et zéro chiffre d'affaires. C'est d'autant plus rageant et frustrant que cela faisait deux ans que l'on n'avait pas eu autant de neige", explique Akim Boufaïd.

Éric Bouchet indique qu'en dépit d'une fréquentation moins faible qu'attendue, les recettes aux Deux Alpes ont chuté de 99%. "On peut faire de la raquette, de la luge, de la randonnée, mais tout cela est gratuit et occasionne quand même des charges pour la station: entretien et damage des pistes, organisation des secours, déclenchement préventif d'avalanches, navettes, déneigement...", souligne-t-il.

Dans le Vercors, où le tourisme a chuté de moitié durant les fêtes, les professionnels estiment que les stations ont su "limiter la casse" avec une diversification d'activités historiquement plus ancrée qu'ailleurs dans les Alpes.

Bien sûr, mi décembre, des aides avaient été annoncées pour tenter d'amortir l'impact de ces fermetures. Pour les opérateurs des remontées mécaniques un fonds de soutien leur permettant de compenser 70% des charges fixes liées à l’exploitation des remontées mécaniques, elles-mêmes fixées à 70% du chiffre d’affaires, a été mis sur pied.

Le commerce dans le dur



Côté commerces, début décembre l'Union Sport et Cycles chiffrait l'impact pour les revendeurs d'articles de sport. "Entre la perte de la fin de saison 19/20 et ce début de saison 20/21 chaotique, ce sont près de 300 millions d'euros de perdus pour les commerces sport de station, soit l’équivalent de la moitié du chiffre d’affaires d’une saison entière", précisait l'organe de représentation.

Depuis, pour les commerçants, qui pour certains réalisent plus des trois quarts de leur chiffre d'affaires sur la période entre début décembre et fin février, Bercy a donc annoncé intégrer les structures de moins de 50 salariés et justifiant d’une perte de chiffre d’affaires de plus de 50% aux secteurs faisant l’objet du "plan tourisme". Ils bénéficient ainsi d’une aide au titre du fonds de solidarité pouvant aller jusqu’à 10.000 euros et de l’activité partielle avec une prise en charge à 100%. Des mesures valables pour les commerces des stations mais aussi pour ceux des communes des vallées qui dépendent des stations.

Mais ces mesures ne peuvent toutefois pas satisfaire totalement l'ensemble de la filière. Cinq patrons de réseaux de magasins (Eric Laboureix, président fondateur Groupe Elpro, David Giraud, président du groupe Skishop, Jérôme Camps, président fondateur de Cara Group, Pierre Laslaz, président fondateur du groupe Sports 1850-2300, et Francis Charbonnel, président fondateur du groupe Snow Performances) représentant près de 200 points de vente ont adressé un cri d'alarme par une lettre ouverte annonçant "la montagne en dépôt de bilan".

En décembre, les acteurs des sports d'hiver, fournisseurs des remontées mécaniques mais aussi les marques outdoor comme Salomon, Rossignol et Millet ainsi que l'Outdoor Sports Valley, L'Union sport et cycle et le Cluster Montagne demandaient aussi à être pris en compte. "Derrière les domaines skiables, les commerces de sport et toutes les prestations de loisirs, nous sommes un millier d’entreprises et plus de 10.000 emplois spécialisés dans l’équipement des domaines skiables et des pratiquants de sports d’hiver, écrivaient-ils au Premier ministre. Nous contribuons à l’innovation et au rayonnement mondial du marché Français des sports d’hiver. Et bien que nous ne soyons pas en première ligne, nous subirons lourdement les conséquences de cette fermeture car nous dépendons essentiellement des investissements des entreprises et des collectivités de montagne".

Avec les fermetures lors des vacances de Noël et les stocks qui se sont accumulés dans les magasins, les marques et prestataires s'attendent à des chutes importantes des commandes pour les prochains mois. Aussi pour toute une filière, les vacances de février sont-elles attendues comme la dernière opportunité de limiter les dégâts.

Le 20 janvier ou rien



"Le plus important c'est qu'on ait une date définitive, qui ne peut pas être postérieure au 20 janvier", affirme Éric Bouchet, des Deux Alpes. "Si ce n'est pas le cas, cela pourrait signifier ne pas ouvrir en février et par effet domino ne pas rouvrir de la saison".

"On a vraiment un sentiment de discrimination. Aujourd'hui, les protocoles anti Covid-19 élaborés avec les préfets sont pertinents, avec la mise en place de tests, des hébergements réquisitionnés pour isoler, et des protocoles pour l'accès aux remontées. Et puis en Isère, on a établi que moins de 10 personnes sont susceptibles de descendre en réanimation, pour nous la question n'est donc pas celle de la traumatologie", poursuit-il.

"Le 20 janvier au plus tard, ça nous permettrait de mettre en place les protocoles et de prouver qu'ils fonctionnent", explique Christophe Lebel.

"À quatre semaines des vacances de février, l'enjeu est majeur pour remettre en route les stations, privées de 80% d'activité à Noël", insiste Domaines skiables de France, estimant que "le ski n'est pas une activité à risque".

Reste à savoir si cela suffira à convaincre Emmanuel Macron, qui a reçu de la part du maire de Châtel, en Haute-Savoie, deux forfaits de ski en guise de voeux, a rapporté mardi le Dauphiné Libéré.

Avec AFP

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