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26 août 2019
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Mode durable : les marques de bain se jettent à l'eau

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26 août 2019

Selon la plateforme en ligne dédiée à la mode et au design Stylight Insights, entre juin 2018 et juin 2019, le nombre de requêtes pour le terme « maillots recyclés » a augmenté de 67,69 % sur son moteur de recherche. Un chiffre qui n’a rien de surprenant à regarder les préoccupations environnementales croissantes des consommateurs. A l'instar des acteurs de l'agroalimentaire, de la beauté ou encore de la mode, les marques de maillots de bain adoptent de plus en plus une démarche responsable. A minima, elles décident de limiter voire d’abandonner l’usage du plastique pour les emballages et autres protections, qu’elles remplacent par des contenants d'origine naturelle. Les plus déterminées, quant à elles, font progressivement évoluer leurs collections avec la création de modèles en matières recyclées.


Un quart des maillots de bain de Balzac Paris incorporent des fibres recyclées - Balzac Paris


Une tendance largement observée du 6 au 8 juillet derniers à Paris lors du salon professionnel Unique by Mode City consacré à l'univers du balnéaire, et que confirme Marie Montliaud, en charge des projets innovation et développement durable à la Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire : « Ca devient un vrai sujet depuis deux ans dans le secteur. Les marques de mode sont très bonnes pour suivre les modes. C'est un secteur qui était très en retard sur l'écoresponsabilité, mais maintenant que certains ont franchi le pas, les autres suivent rapidement. »

Dès lors, marques établies ou jeunes start-up, partout c'est le même combat. La logique est simple : les maillots sont faits pour nager dans les mers et les océans, dont l'équilibre est menacé à cause d'une pollution de plus en plus importante. Les marques balnéaires décident donc logiquement de contribuer à la préservation de ces espaces naturels en produisant des modèles plus respectueux de l'environnement, tout en ayant une action concrète sur celui-ci.

C’est dans cette logique que Chloé Lecareux a créé la marque Bleu de Vous en 2017. Elle n'a alors que 22 ans. Dès ses débuts, elle se penche sur la question du développement durable et imagine une veste en denim fabriquée à partir de bouteilles en plastique. En plus de ce best-seller, la griffe propose une ligne de maillots de bain, qui depuis le printemps-été 2019 se pare d’une offre écoresponsable. En tout, huit pièces confectionnées à partir de matières recyclées, vendues en ligne et dans le magasin mauricien de la griffe, en attendant l'éventuelle ouverture d'une seconde adresse sur la Côte d’Azur.
 

Nénés Paris vient tout juste de se lancer avec des maillot de bain et de la lingerie au positionnement durable - Nénés Paris


Même combat chez Nénés Paris, griffe fondée en 2018 par Adrien Deliere et Margot Dargegen. De façon très didactique, les deux entrepreneurs expliquent sur leur site Internet la manière dont ils produisent maillots de bain et lingerie à partir de fins de rouleaux de l’industrie textile, broyés et nettoyés avant d’être mélangés aux fibres de bouteilles en plastique usagées qui ont connu le même traitement.

La marque affirme économiser 90 % d’eau, soit l’équivalent de sept baignoires remplies par soutien-gorge, et éviter le transport de ses pièces d’un bout à l’autre du monde en fabriquant en Italie et au Portugal.

Des maillots fabriqués à partir de filets de pêche abandonnés dans les océans
 
Chez Drive Me Bikini, marque polonaise lancée par Zosia Krasuska en 2015, près de 80 % de la collection de bain est conçue avec la fibre de nylon Econyl, créée en Italie et fabriquée à partir de filets de pêche, en collaboration avec l’organisation Healthy Seas.

D’ici un an, la créatrice espère compter 90 % de produits écoresponsables dans ses collections, qui comprennent aussi des tee-shirts anti-UV, et ajouter des shorts de bain pour homme fabriqués à partir de bouteilles en plastique. 
 

Drive Me Bikini s'apprête à lancer des shorts de bain conçus à partir de bouteilles en plastique recyclées - Drive Me Bikini


La griffe Cara Bellezza, fraîchement lancée par la première dauphine de Miss France 2018, Eva Colas, accessoirement diplômée d’un master en gestion de patrimoine à l’université Dauphine, s’est elle aussi associée à Healthy Seas, à qui elle reverse 1 % de ses ventes. L’entrepreneure, originaire de Corse, fabrique en Italie avec l'entreprise Aquafil ses maillots de bain haut de gamme en fibre Econyl, dont chaque modèle est rehaussé d'une pierre semi-précieuse. 
 
Albertine, la marque créée par Anémone et Caroline Anthon en 2008, a elle aussi décidé il y a un an de faire entrer des matières écoresponsables au sein de ses collections. Après un premier maillot de bain pour homme intégralement confectionné à partir de fibre Seaqual (issue du recyclage des déchets plastiques repêchés en Méditerranée) vendu au printemps-été 2019, c’est 80 % de la collection de bain féminine qui sera fabriquée grâce à la fameuse fibre Econyl l'été prochain.

Des pochons en coton plutôt que des sacs plastiques pour emballer les produits

Un changement de matière qui a un coût pour l’entreprise mais qui ne sera pas répercuté sur le produit, Albertine ayant décidé d'entièrement l'absorber. En parallèle, la griffe a remplacé toutes les pochettes en plastique qui emballaient auparavant les maillots de bain par des pochons en coton recyclé. De la même manière, Albertine a décidé d’être radicale et de supprimer totalement le plastique de son processus logistique : plus de protections dans les culottes des maillots, ni autour des produits.
 
« Notre prise de conscience s’est intensifiée grâce à notre collaboration débutée en mars dernier avec Coral Guardian, une association de protection des coraux. Nous proposons désormais à nos clients sur l’e-shop ou en boutique de faire un don de 2, 5 ou 30 euros qui représentera autant de coraux replantés en Indonésie. Au-delà de cette collaboration, l’association est aussi devenue un interlocuteur important. Elle est force de proposition sur ces sujets d’écoresponsabilité », confient les fondatrices d’Albertine.


Le maillot de bain durable "Henri" d'Albertine - Albertine


Enfin, à partir de l’été prochain, la marque proposera aux clients qui le souhaitent de renvoyer leurs vieux maillots de bain, qu’Albertine s’engagera à expédier dans une usine capable de réutiliser cette matière pour la transformer en chiffon ou en rembourrage de coussin, parce qu’il est pour l’heure très compliqué de recycler ces maillots de bain conçus à partir de matières elles-mêmes déjà recyclées.

« Les maillots de bain sont fabriqués à partir d’un mélange de polyamide, recyclé ou non, et d’élasthanne, qui freine le recyclage. Les recherches s’articulent aujourd’hui sur la façon de séparer les deux matières sans que ce soit dommageable pour l’environnement. Il y a quelques années, le distinguo entre recyclé et recyclable était complexe, mais désormais les marques ont compris l’enjeu en amont et en aval. Ces freins pourront être levés grâce à des financements provenant des marques et de l’Etat », estime Marie Montliaud, de la Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire.

Le recours aux matières recyclées se démocratise

Cette démarche suscite l'intérêt de toutes les jeunes marques, même celles qui ne sont pas issues de l'univers du bain. C’est le cas d’Undress Code, griffe de lingerie polonaise lancée en 2016, qui testera sa première collection de balnéaire au printemps-été 2020, et proposera à cette occasion des maillots réversibles dont la doublure est fabriquée à partir de bouteille recyclée.

Mais aussi de Balzac Paris, marque de prêt-à-porter française, adepte d’une mode « toujours plus responsable ». Pour sa deuxième collection de maillots de bain, au printemps-été 2019, la griffe fondée par Charles Fourmaux, Chrysoline et Victorien de Gastines avait introduit la fibre Econyl sur plus de 20 % de ses références et compte augmenter ce pourcentage chaque saison, même si  « c'est difficile de faire toute la collection en matières recyclées, notamment à cause de l'élasthanne présent dans les maillots de bain », explique la marque. 
 
Des griffes encore plus installées, comme la néerlandaise Love Stories, adoptent des démarches similaires. Près de 80 % des collections de bain de la marque lancée en 2003 par Marloes Hoedeman devraient être étiquetées « Recycled Yarn » pour le printemps-été 2020. Un chiffre qui devrait monter à 100 % à l’automne-hiver 2020/21, lingerie comprise, si les équipes réussissent à remplir les objectifs qu’elles se sont fixés. Ce virage se traduit à l'arrivée par une hausse du prix que la marque annonce très légère, absorbée en partie par elle-même, et ensuite de manière partagée par le revendeur et le consommateur.
 

La plupart des fibres durables proviennent de bouteilles en plastique ou de filets de pêche récupérés dans les océans - Instagram @hopaal_


Chez Maison Lejaby, griffe passée récemment aux mains du duo d'entrepreneurs Stéphane Collaert et Thierry Le Guénic, c’est 24 % de la collection de bain qui est désormais fabriquée à partir de fibres recyclées. « Nous souhaitons devenir de plus en plus écoresponsables saison après saison. Les fabricants de tissus étoffent tout doucement leurs propositions de tissus recyclés mais cela reste assez restreint, il n’y a quasiment pas de tissus reliéfés, de jacquard… Et pour les accessoires et les fournitures, c’est encore plus difficile », relève Sarah Poncet-Thermac, cheffe de produit développement et diversification pour la griffe.

Un engagement qui se poursuit avec un choix de fournisseurs proches d’un point de vue géographique : « Sur le bain en particulier, nous veillons à ce que nos produits soient fabriqués dans un circuit court pour restreindre notre empreinte carbone. Tous les tissus principaux et les doublures sont italiens et espagnols, et la façon est réalisée dans le bassin méditerranéen », poursuit-elle.

Limiter la consommation d'eau dans le processus de teinture
 

De son côté, Billabong, le spécialiste australien du surf racheté il y a un an par le groupe Boardriders (Quiksilver, Roxy, etc.) a mis au point pour le printemps-été 2020 une capsule de surf comportant du néoprène issu à 87 % de bouteilles en plastique et à 13 % d'élasthanne recyclé. Cette matière est mélangée à des pneumatiques recyclés, présents à 30 % dans le produit. La colle est à base d’eau et la consommation de cette ressource naturelle est réduite de 90 % au cours du processus de teinture.

En parallèle, la marque a mis au point une ligne nommée « Hello Tomorrow », avec des vêtements et des maillots de bain confectionnés à partir de matières respectueuses de l’environnement. Billabong propose aussi depuis 2007 des boardshorts masculins fabriqués à partir de polyester recyclé.
 

Les marques masculines comme Apnée développent elles aussi des collections à partir de matières plus respectueuses de l'environnement. - Apnée


Et les marques qui font de l'homme ne sont pas en reste, comme en atteste la jeune griffe française Apnée, qui veut « créer en préservant » grâce à une ligne fabriquée avec la fibre Seaqual, et reverse un euro à l’association Surfrider à chaque maillot en fibre recyclée vendu. Mais aussi Hopaal, A-dam Underwear ou encore Atalaye, qui ont également succombé à ce polyamide écoresponsable proposé par l'entreprise espagnole du même nom, basée sur un réseau méditerranéen de pêcheurs dont la tâche est de collecter les déchets plastiques maritimes pour en faire de la fibre. Chez Vilebrequin, c'est le modèle Man qui est lui aussi fabriqué à partir d'un fil polyester issu du recyclage de déchets plastiques. Tant et si bien que la fabrication de cinq de ces maillots correspond à 1 kilogramme de plastique repêché en mer Méditerranée.

Ou comment la "grande bleue" nous aide à devenir plus vert.
 

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