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Nathalie Rozborski (NellyRodi) : "Le consommateur ne veut plus être pris pour une vache à lait"

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8 sept. 2015

La semaine dernière, deux sites Internet ont pu annoncer avoir levé un grand volume d’argent, 4 millions d’euros pour ChicTypes, 33 millions pour Vestiaire Collective. La lune de miel se poursuit donc entre les fonds et le e-commerce malgré certains déboires. Nathalie Rozborski, directrice conseil international mode et beauté à l’agence NellyRodi, explique dans FashionMag.com pourquoi le succès de l’Internet, et notamment à travers un site collaboratif, ne se dément pas.

Nathalie Rozborski - NellyRodi


FashionMag.com : Pourquoi l'e-commerce arrive-t-il à lever autant de fonds, malgré certains accidents ?
 
Nathalie Rozborski : Il y a plusieurs raisons. D’abord, c’est formidable qu’il y ait autant d’initiatives en matière d'e-commerce. Et c’est formidable aussi qu’elles soient reçues positivement par des investisseurs. Cela fait avancer l’innovation. Mais c’est aussi parce que le consommateur est demandeur d'e-commerce. Internet est devenu un passage obligatoire pour la recherche d’informations, par exemple en amont, mais aussi en aval. En fait, on ne devrait plus se poser la question de l’intérêt de l’Internet et de l'e-commerce. C’est un pré-requis.
 
FM : Comment peut réagir le commerce traditionnel. Est-il condamné ?

NR : Il n’est pas condamné. Il doit penser cross-canal à travers des outils de fidélisation par exemple. Le détail multimarques n’est pas condamné non plus. Il suffit de voir par exemple un détaillant comme Patrick Aboukrat qui vient d’ouvrir un quatrième point de vente à Paris. Mais il a aussi de l'e-commerce. Et ses clients peuvent passer de l’un à l’autre. J’insiste, mais « je me digitalise » est un pré-requis aujourd’hui !
 
FM : Parmi les deux e-commerçants ayant levé des fonds, Vestiaire Collective fait partie de l’économie collaborative. On voit de plus en plus de sites notamment investir dans celle-ci ? Là aussi, c’est à la demande du consommateur ?
 
NR : C’est très fort aujourd’hui en effet. Souvent, la montée de l’économie collaborative a été mal perçue à ses débuts. Je me souviens d’une conférence à l’Institut français de la mode où elle était assimilée à une forme de paupérisation. C’est une erreur. Bien sûr, si elle permet de faire des économies, c’est bien. Voir l’exemple d'Airbnb. Mais c’est aussi parce que le consommateur se sent plus malin, astucieux. Je reprends l’exemple d’Airbnb. Pourquoi cela s’est développé ? Parce que le consommateur trouve l’expérience hôtelière trop chère, décevante et dépersonnalisée. Aujourd’hui, bien souvent, le consommateur est déçu par les formes classiques. Il a l’impression qu’on le prend pour une vache à lait. Or, il est de plus en plus éduqué, notamment grâce à Internet. Il entend donc faire ses choix sans se les faire dicter par des enseignes. Son rapport à l'achat a changé aussi. Quand il s'apprête à acheter un produit de mode, il se pose la question : pourquoi je le ferai. Et puis, il recherche des histoires plus positives, avec un supplément d’âme. L’économie collaborative est parfaitement adaptée à cela. Tandis que les marques n’ont pas saisi ce virage.
 
FM : Comme expliquez-vous que les entreprises traditionnelles n’ont pas ou ont peu pris en compte cette dimension Internet et ce besoin de supplément d’âme ?
 
NR : Il y a sûrement une dimension générationnelle dans tout cela. Ce n’est pas vrai que dans les enseignes, quel que soit le secteur. C’est vrai en politique par exemple. Un sociologue parlait d’un retard des élites françaises. Sur tous ces sujets, il y a peu de soutien dans les écoles, les institutions. Alors que par exemple, un sociologue américain soulignait qu’il faut surfer sur la rue… En clair, il faut faire bouger le système actuellement pyramidal. Mais tout n’est pas noir. Des marques pointent avec ce comportement, comme Balibaris. Il y a des personnes qui ont un sens de l’innovation en même temps que de l’entrepreneuriat. Un Frédéric Biousse n’a pas hésité à prendre des risques chez SMCP

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