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13 mars 2023
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Nicolas Rohr (Faguo): "Nous choisissons de reprendre notre indépendance pour développer notre singularité"

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13 mars 2023

Entreprise à mission, certifiée B-Corp, la marque française de mode masculine, Faguo, s’émancipe du groupe Eram qui était entré à son capital en 2012. Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, qui ont fondé la griffe en 2009 et détenaient jusqu'alors 51% du capital, ont ainsi acquis les 49% des parts détenues par le groupe français spécialiste de la chaussure (Bocage, Eram…). Dans la foulée ils font entrer au capital deux nouveaux partenaires minoritaires, le spécialiste du capital-développement Nextstage AM (Adopt Parfums...) et Sodero, société de capital -investissement du Grand Ouest. Enfin, la marque lève 15 millions d’euros auprès de ses deux nouveaux partenaires. Nicolas Rohr explique à FashionNetwork.com les détails de cette opération, et ses ambitions pour Faguo dont le statut d’entreprise à mission est "engager notre génération contre le dérèglement climatique".

Nicolas Rohr cofondateur de Faguo - Nathalie Oundjian


FashionNetwork.com : Pourquoi choisir de sortir du giron du groupe Eram maintenant, alors que le contexte économique est pour le moins incertain ? Qui sont vos deux nouveaux partenaires financiers,  Nextstage AM et Sodero ?
 
Nicolas Rohr : Nous sommes plus que jamais confiants dans le développement de Faguo, Nous choisissons donc de reprendre notre indépendance pour développer la singularité de la marque. Le groupe Eram a été un très bon partenaire qui nous a permis de grandir. C’est un groupe familial, ce qui est d’ailleurs aussi singulier, qui reste notre voisin dans l’Ouest (Faguo est basé à Nantes, ndlr). Et puis nous reprenons notre indépendance de façon collective, ce qui est important pour nous. Notre responsable commercial, notre responsable de collections, notre directrice financière et notre directeur des opérations entrent également au capital. Concernant Nextstage AM et Sodero, ce sont deux fonds très concernés par la transition écologique dans la finance, qui cultivent un amour du temps long, et qui sont des spécialistes de la croissance tous secteurs confondus. Et puis avec Sodero nous avons un ancrage local, ce qui est également important.

FNW : Ne craignez-vous pas que dans le contexte actuel, et n’étant désormais plus adossés à un groupe, les banques refusent de vous accompagner dans le financement de vos futurs projets ?

NR : Non absolument pas, car le système financier bancaire va justement dans le sens de Faguo. Ils se tournent vers des sociétés qui vont vers le bien commun qu’il soit environnemental ou sociétal. Car c’est aussi bénéfique pour eux.

FNW : Vous parlez de cultiver la singularité de Faguo, en quoi la marque est-elle une marque singulière justement ?  
NR : L’aventure Faguo a commencé il y a quinze ans, j’avais 22 ans et déjà notre idée était de créer une marque qui aurait un minimum d’impact sur l’environnement. On calculait tout (rires), jusqu’à l’emprunte carbone de l’ordinateur de Frédéric lorsqu’il travaillait ! Et ce bien avant le rapport du GIEC. Aujourd’hui Faguo, qui est une marque rentable et c’est important de le dire, est la seule marque globale pour hommes, certifiée B-Corp et à mission qui propose une offre composée à 40% de textile, 40% de chaussures, et 20% d’accessoires et de bagagerie. Nos collections conçues avec des matières recyclées, nos boutiques qui proposent toutes des ateliers de réparation, des corners seconde main et des bornes de recyclage… Nous avons créé notre propre système, et nous voulons aller plus loin. Mais si cela fonctionne, c’est parce que la construction de cette singularité a pris du temps.


La Forest 1, la nouvelle basket de Faguo assemblée en France, conçue à partir de polyester recyclé (140 euros) - DR


FNW : Vous venez de lever 15 millions d’euros, quels investissements allez-vous opérer ? Est-ce-que cette (re)prise d’indépendance implique un changement de votre feuille de route ?

NR : Nous allons continuer de faire ce que nous avons à faire. Ouvrir des boutiques, travailler à toujours plus de matières recyclées dans nos collections. Aujourd’hui 80% de nos pièces comptent 30% de matières recyclées. Au-delà nous perdons en qualité, donc nous allons investir encore plus en R&D pour apprendre notamment à utiliser mieux les matières recyclées. Nous allons également continuer à travailler sur la beauté de nos collections, car même si le monde avance, il avance en voulant du beau ! Et puis nous allons recruter pour étoffer notre équipe actuelle de 110 collaborateurs. Nous recrutons des talents, qui sont d’ailleurs souvent en crise de sens, et nous souhaitons qu’ils s’épanouissent intellectuellement mais aussi dans leur cœur.

FNW : Qu’en est-il de votre développement à l’international ?

NR : Aujourd’hui nous sommes présents dans une quinzaine de pays, mais cela reste une petite part de notre activité. Nous avons des sollicitations mais pas assez de temps pour y répondre, de plus la rareté des gisements de matières recyclées nous empêche aussi d’y répondre. Alors pour l’instant nous allons embaucher pour concevoir d’une façon encore meilleure, de beaux vêtements !

FNW : Dans le secteur de la mode les fermetures d’enseignes se multiplient, qu’elle est votre vision du marché et de son avenir ?

NR : Il est vrai que le marché se transforme et je ne veux porter aucun jugement, parce que derrière les fermetures, il y a des histoires de personnes. Cependant, il faut que le marché de la mode diminue en volume, c’est une nécessité. Et comme l’humanité ne va pas devenir nudiste, il faut faire en sorte que ceux qui doivent s’habiller le fassent avec une haute valeur environnementale, et donc que les acteurs du secteur réduisent le plus possible leur emprunte carbone. Plus nous serons nombreux à utiliser des matières recyclées par exemple, plus les prix seront justes. C’est ça aussi notre idée de la Fair Fashion ( la mode juste en opposition à l’expression Fast Fashion, ndlr), que chaque intervenant soit rémunéré à sa juste valeur. Alors oui, l’industrie de la mode change, mais la lumière va jaillir.
 

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