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26 oct. 2021
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Pierre-Nicolas Hurstel (Arianee): "Les NFT transforment radicalement la relation client"

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AFP-Relaxnews
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26 oct. 2021

Gucci, Dolce & Gabbana, Karl Lagerfeld et Rebecca Minkoff comptent parmi les maisons de mode qui ont expérimenté l'univers parallèle -mais bel et bien réel- des NFT, contribuant à les démocratiser. Mais que se cache-t-il derrière cet acronyme qui fait couler autant d'encre ? Pierre-Nicolas Hurstel, PDG et cofondateur de la plateforme spécialisée Arianee, nous en dit plus sur ces nouveaux usages, mais aussi sur les possibilités infinies que peuvent offrir les NFT dans le secteur de la mode et du luxe.


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On parle beaucoup de NFT, mais c'est paradoxalement un acronyme qui ne parle pas au plus grand nombre. De quoi s'agit-il exactement?

Pierre-Nicolas Hurstel: On dit d'un élément qu'il est non-fongible - NFT étant l'acronyme de "non fungible token" ou "jeton non fongible" en français - lorsque sa valeur ne peut être interchangeable, c'est-à-dire lorsqu'elle est unique et n'a d'équivalent qu'elle-même. Dans le monde digital, un NFT est un jeton qui donne accès à la représentation numérique d'un objet physique - un sac par exemple - ou immatériel qui vaut comme titre de propriété et donne accès à un certain nombre de services exclusifs qui se déclenchent uniquement pour le propriétaire. On considère que cette technologie réintroduit dans l'univers digital les notions de rareté et d'unicité que l'on connaît dans notre monde physique.

Arianee vient de publier le livre blanc "De la rue aux métaverses: le futur des vêtements connectés" destiné à l'industrie de la mode. Est-ce un sujet qui est si difficile à appréhender?

PNH: Si aujourd'hui le sujet est si difficile à appréhender, c'est parce qu'il est nouveau. Il crée aussi beaucoup de curiosité et de buzz. On est encore au début du développement et de l'évolution des usages des NFT, c'est pourquoi on a voulu porter un éclairage sur le sujet en proposant un cas concret de ce que les NFT permettent de faire aujourd'hui et de manière plus prospective, ce qu'ils pourraient permettre demain. Nous avons voulu montrer que les NFT représentent à la fois un pont entre le monde physique et le monde digital tout en ouvrant de véritables opportunités en termes de relation client et de sources de revenus pour les marques.

Après l'art contemporain, c'est donc le secteur de la mode qui se lance dans les NFT. En quoi est-ce un passage obligatoire pour l'industrie?

PNH: Aujourd'hui la demande des consommateurs pour plus de rareté, d'exclusivité et d'éthique, tant au niveau des produits possédés que des expériences offertes par la marque, se fait de plus en plus croissante. Si elles veulent survivre, les marques n'ont d'autres choix que de se réinventer et d'embrasser ces nouvelles habitudes de consommation. Les NFT sont l'une des réponses à ces nouveaux enjeux puisqu'ils permettent de réinjecter de la rareté et de l'exclusivité, et ainsi transformer la relation client et les expériences proposées, dans un monde où les frontières entre physique et digital sont de plus en plus poreuses. Les marques sont à la fois plus transparentes grâce aux informations certifiées par la blockchain, et plus engagées dans la circularité et l'innovation grâce aux services exclusifs comme la revente, l'assurance, mais aussi le fait de posséder des œuvres d'art numériques déployables en réalité augmentée ou dans le métaverse. Elles sont aussi plus respectueuses des données personnelles, puisqu'aucun mot de passe ou données privées ne sont nécessaires pour accéder au NFT.

Y a-t-il un lien entre NFT et vêtements virtuels, ou est-ce qu'il s'agit de deux choses complètement différentes?

PNH: Il y a aujourd'hui une diversité d'applications des NFT car les usages sont encore nouveaux et demeurent en constante évolution au fur et à mesure que la technologie et l'intérêt des marques et des consommateurs se développent. Chez Arianee, nous avons identifié et proposons trois types de NFT. Il y a le double numérique pour enrichir l'expérience de propriété - autrement dit chaque produit physique possède son double numérique; ce qui permet d'interfacer la marque et le propriétaire du produit, de faciliter l'authentification de son produit et par ricochet d'activer des services exclusifs. Il y a également le NFT d'engagement et de communauté qui permet aux clients d'une marque d'accéder à des expériences exclusives comme une avant-première ou un défilé virtuel de manière simple à partir de leur NFT. Puis il y a les actifs numériques exclusifs et rares pour étendre l'expérience dans le métaverse. Dans ce cas, le NFT permet à la marque d'exister différemment aux yeux des clients notamment via la possession d'artefacts, d'œuvres d'art numériques ou d'objets disponibles uniquement dans le monde numérique et le métaverse.

Avec ces nouveaux usages, on peut avoir un avatar "pimpé" en Gucci, et s'habiller avec de la fast-fashion. N'est-ce pas ironique?

PNH: Plutôt qu'une ironie, nous voyons une porosité entre les deux mondes. Dans le monde physique d'aujourd'hui, les jeunes générations mixent déjà des pièces de marques de luxe et d'autres issues de la fast-fashion. Il n'est pas étonnant que l'on observe le même phénomène dans le monde digital, où nous passons aujourd'hui de plus en plus de temps. Les vêtements sont un marqueur identitaire qui permettent d'affirmer ses valeurs et ses goûts, le monde numérique n'y échappe donc pas. Nous pensons que le phénomène risque de s'accélérer avec les biens de luxe. Si aujourd'hui ces produits sont accessibles à tous, demain les marques y réinjecteront peut-être une couche supplémentaire d'exclusivité en donnant accès uniquement aux propriétaires de produits physiques de la marque. Les possibilités sont infinies.

Les NFT pourraient aussi permettre de tracer les vêtements, et notamment leur cycle de fabrication. Est-ce qu'ils représentent un double enjeu, digital et environnemental, pour les acteurs de la mode?

PNH: Grâce aux caractères infalsifiables et auditables de la blockchain, les acteurs de la mode sont en mesure d'effectuer une meilleure traçabilité. Du sourcing des matières premières au transfert de propriété, l'ensemble des données associées à un produit peuvent être consignées, de façon publique ou privée, dans une blockchain, puis communiquées au propriétaire final du NFT/passeport associé à ce produit. Aujourd'hui cela est possible à partir d'un simple scan de QR code ou d'une puce NFC. Les marques, les consommateurs et autres parties prenantes, disposent ainsi d'une vue transparente sur le cycle de vie du produit. Les NFT sont utilisés pour représenter digitalement le produit, on parle de passeport ou de double numérique. Ils apportent la notion de propriété et sont transférés si le produit physique change de main. Nos NFT Arianee disposent d'une section historique dans laquelle chaque événement marquant de la vie du produit peut être horodaté, comme la réparation, l'entretien ou le changement de propriété. Nous travaillons d'ailleurs avec IBM, le leader mondial des solutions de traçabilité basées sur la blockchain, pour apporter cette dimension de traçabilité dans nos NFT.

Est-ce que cela signifie que la transparence a un coût?

PNH: La transparence est une position à adopter où la traçabilité nécessite le recours à des outils, notamment de stockage de données. En affirmant ne disposer d'aucune donnée sur les procédés de fabrication de ses fournisseurs, une marque peut se revendiquer transparente, sans avoir déboursé un centime. La traçabilité a un coût dans la mesure où elle implique une collecte et un stockage de données. Il s'agit aujourd'hui d'un coût auquel les marques ne peuvent échapper car la demande des consommateurs pour plus de transparence est aujourd'hui plus que jamais prégnante.

Arianee a d'ailleurs lancé une collection de hoodies connectés offrant de nombreuses possibilités, en collaboration avec l'agence créative Kitten Production. Pouvez-vous nous en parler?

PNH: A chaque hoodie, produit de manière éthique en série limitée de 20 pièces par design, est associé un NFT accessible à partir d'un simple scan de puce NFC brodée dans une étiquette intelligente, en collaboration avec Neyret et Isra, deux fabricants français. Ce NFT donne accès à un passeport numérique de la pièce retraçant le cycle de fabrication du produit, ainsi qu'à une série de fonctionnalités exclusives. Deux autres types de NFT sont aussi associés à cette collaboration: le NFT d'un hoodie purement digital déployable dans le métaverse sur Decentraland, ainsi que les NFT en tant que pièces d'art numérique, issus de trois illustrations de chats en vente sur Opensea.

Pour un consommateur, quels sont les avantages à investir dans des NFT?

PNH: On n'investit pas dans un NFT, on investit dans un produit qui a un double numérique, ou dans une marque qui propose une expérience ou un produit avec une valeur digitale. Les avantages sont véritablement ceux des usages. L'assurance de posséder un produit authentique, le fait de pouvoir le revendre ou le racheter en toute sécurité et confiance par exemple, et bien sûr de pouvoir rester en contact perpétuel avec la marque. L'idée est également d'avoir en main et d'expérimenter une technologie qui était jusqu'alors réservée à un cercle très restreint, plutôt dans le monde des cryptomonnaies.

Les NFT sont-ils une tendance éphémère ou doit-on s'attendre à davantage de fonctionnalités à exploiter?

PNH: Chez Arianee nous sommes convaincus que les NFT sont là pour rester, tout simplement car ils permettent de transformer radicalement la relation client. Demain, grâce aux NFT, on aura nos données personnelles sur notre téléphone, de manière décentralisée en tout respect des données personnelles, sans être inquiété par une quelconque fuite. Les marques seront en mesure de donner plus de valeur aux expériences de propriétés qu'elles proposent, que ce soit via la personnalisation des services ou la mise en place d'expériences purement numériques. On en est qu'au début de la couche d'exploitation de ce système et de cette façon de consommer, il y a encore tout à inventer. Nous sommes là pour y travailler!


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