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22 févr. 2019
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Romain Guinier (Aigle) : "Nous allons atteindre les 200 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année"

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22 févr. 2019

Aigle devrait réaliser 200 millions d’euros consolidés cette année. Une croissance portée surtout par les marchés asiatiques. La marque française de lifestyle, dans le portefeuille du groupe Maus, investit dans l’omnicanal et construit une nouvelle image destinée davantage aux jeunes citadins. Romain Guinier, son PDG, explique sa stratégie à FashionNetwork.com.


Romain Guinier, PDG de Aigle depuis 2008 - DR


FashionNetwork.com : Quel a été le bilan de l’année 2018 pour Aigle ?

Romain Guinier : En 2018, nous avons fait plus de 187 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans ce résultat, nous ne consolidons pas nos ventes au Japon, qui ont atteint 35 millions d’euros l’année dernière. Pour l’exercice 2019, nous devrions atteindre les 200 millions d’euros consolidés. Nos principaux marchés sont la France puis quatre pays asiatiques : Chine, Hong Kong, Japon et Taïwan. La plus grosse part de notre croissance se fait grâce à l’international et à l’Asie en particulier. Cela compense le marché européen qui ne progresse que de 5 %. En France, l’année 2018 s’était plutôt bien passée avec des ventes en légère progression jusqu’à fin novembre. Et puis, en décembre, il y a eu à la fois les mouvements sociaux et la douceur de la météo. Ceci dit, en France, nous devons inventer de nouveaux leviers de croissance. Nous sommes condamnés à réussir.

FNW : L’Asie reste donc un eldorado pour la marque ?

RG : A Hong Kong, nous avons réalisé une année record. Nous y avons dix-huit magasins et certains font des chiffres d’affaires allant jusqu’à 20 000 euros par mètre carré. Ces magasins réalisent des performances dignes des chiffres du luxe. Les paniers moyens sont élevés voire parfois très élevés. Parmi notre clientèle, il y a même un certain nombre de collectionneurs de nos produits. Nos performances en Chine sont elles aussi vraiment excellentes. Nous y avons enregistré une hausse de 10 % des ventes à périmètre constant en 2018. Les Chinois nous apprécient tellement qu’ils sont même majoritaires sur notre corner aux Galeries Lafayette Haussmann avec 60 % des ventes. A l’heure actuelle, nous disposons en France et à l'international de 350 magasins Aigle, shops-in-shop inclus. Sur ce chiffre, 80 % sont localisés en Asie. En Chine, nous avons 190 magasins et nous allons passer la barre des 200 magasins cette année avec une vingtaine d’ouvertures.

FNW : Ce n'est pas simple de rester présent en Asie. Comment vous positionnez-vous là-bas ?

RG :
Notre croissance y est maîtrisée. Nous sommes extrêmement exigeants afin d’y conserver notre identité premium. Dans les grands magasins en Asie, nous faisons partie de l’offre lifestyle aux côtés de Lacoste, Tommy Hilfiger et Calvin Klein. Nous apportons notre ADN français avec un positionnement lifestyle, technique et un travail particulier sur la femme qui représente 70 % de ventes. Nous proposons particulièrement des petites pièces pour la femme. D’ici deux ans, le marché chinois sera notre premier marché. La France ne devrait représenter qu’environ 20 % d’ici 2020-2021.


La marque veut séduire les jeunes citadins - DR


FNW : Etes-vous inquiets des tensions diplomatiques internationales notamment entre la Chine et les Etats-Unis ?

RG : Nous sommes vigilants, mais pour le moment, nous ne sommes pas trop inquiets. Nous sommes implantés au Japon depuis 1993, à Hong Kong depuis une vingtaine d’années et en Chine depuis une dizaine d’années. Ce sont des marchés que nous avons appris à connaître. Notre réussite tient à la constitution d’équipes très stables. En Chine, nous avons monté une joint-venture avec Li Ning, l’ancien gymnaste à la tête de sa marque de sport. Nous avons trouvé un mode opératoire qui repose sur une grande confiance. Dans toutes les grandes villes, nous n’ouvrons que des magasins en direct. Les seules exceptions sont des franchises dans des villes plus petites, mais elles sont très cadrées. A Hong Kong, nous avons installé une antenne locale depuis plus de sept ans. Elle propose une collection asiatique qui s’adapte au climat et aux fits ainsi qu’à la demande féminine, en particulier pour les petites pièces, les imprimés. Nous rénovons les shops-in-shop tous les deux-trois ans. L’Asie nous pousse à faire évoluer nos concepts de magasins. Ils offrent plus de lumière, de couleurs, de transparence. Le mobilier s’efface. Ces avancées influencent ce que nous faisons en France. Nous allons d’ailleurs bientôt rénover notre magasin historique du boulevard des Capucines et de Boulogne-Billancourt.

FNW : Comment Aigle s’est-elle adaptée au digital ?

RG : Nous misons sur l’omnicanal. Cela passe par le développement du click & collect, du CRM, de notre présence sur les réseaux sociaux, des tablettes pour les vendeurs ou encore la géolocalisation des clients. Nos ressources marketing passent désormais majoritairement par le digital. Nous avons aussi repris la main sur notre site depuis début 2018. Nous mettons en place une digital factory. Pour l’instant, elle compte six personnes, mais d’ici la fin de l’année, les effectifs passeront à une douzaine de personnes. Nous avons également recruté une nouvelle directrice de la supply chain, Aurélie Riols. Elle doit, à l'heure du digital, rendre les délais de livraison acceptables tant pour le BtoB que le BtoC. L'objectif étant de ne rater aucune vente. En Chine, le chiffre d’affaires sur le digital a quasiment doublé. Au Japon, il a augmenté de 20 % et en Europe de 15 %.

FNW : Existe-t-il des synergies avec Lacoste, qui fait partie également du groupe Maus ?

RG : Oui, bien sûr. Lacoste nous inspire. Nous échangeons régulièrement avec Thierry Guibert et dans une grande liberté laissée par nos actionnaires. Les synergies se sont faites, par exemple, au Japon. Nous avons ouvert une division Aigle chez Lacoste Japon avec une équipe spécifique, mais nous mettons en commun certains services. Lacoste est fort en digital et cela nous sert pour nous améliorer. Par ailleurs, nous disposons d’un pôle d’immobilier commercial commun à Aigle, Lacoste et Gant. Les trois marques cumulent des ventes et une rentabilité en croissance. Cela nous offre une belle dynamique.


Les bottes restent mises en avant dans les derniers magasins ouverts en Asie - DR


FNW : Quelle est l’identité d’Aigle en 2019 ?

RG : Aujourd’hui, notre identité se focalise sur le lifestyle, l’outdoor, un positionnement premium et des savoir-faire protégés. Nos catégories de produits reines sont les bottes en caoutchouc, les parkas et les polaires. On ne présente plus les bottes, mais justement, nous allons renouveler nos produits iconiques en mettant en avant des vêtements et d’autres chaussures avec une image forte.

FNW : La botte fonctionne donc toujours aussi bien ?

RG : Oui. Nous en vendons 700 000 paires par an. Les bottes les plus mode, les modèles agricoles et de chasse sont fabriqués en France, mais nous sommes tenus d’équilibrer les coûts de production avec un sourcing en dehors de la France. La botte a représenté 22 % du chiffre d’affaires global en 2018, en hausse de 2 %. En Chine, les vêtements représentent entre 88 et 90 % des ventes, mais les bottes conservent une place noble. Elles montrent notre savoir-faire unique.


Avec sa dernière campagne, conçue par BETC, Aigle vise clairement les jeunes urbains.


FNW : Votre cible a-t-elle beaucoup changé ?

RG : Nous misons sur les générations de demain, les 25-35 ans. Nous nous ancrons dans la ville tout en nous inspirant de la nature. Nous travaillons beaucoup sur les nouveaux usages de la mobilité et sur la notion de voyage pour les citadins. Ceci dit, nous n’allons pas tourner le dos à notre clientèle traditionnelle d’agriculteurs et de chasseurs. C’est une clientèle que nous respectons et qui achète beaucoup chez nous. Néanmoins, nous orienter vers les jeunes urbains nous apparaît comme une évolution naturelle. Depuis la mi-2016, nous avons embauché Jorge Freire à la tête du studio. Il est passé par Timberland et Façonnable. Dès l’automne-hiver prochain, il a insufflé ce pli beaucoup plus urbain et sportswear. Cela va passer par des pièces plus expressives qui allient technicité et qualité. Les partis pris seront plus forts. C’est simple, pour le printemps-été 2020, ça va décoiffer !

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