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Union européenne : pas d'accord commercial sans blanc-seing des Parlements nationaux

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16 mai 2017

Les traités commerciaux négociés par l'UE doivent être approuvés par l'ensemble des Parlements des Etats membres, a tranché mardi la justice européenne, une décision susceptible de ralentir considérablement la conclusion de tels accords, notamment celui avec le Royaume-Uni.

AFP/Archives/JOHN THYS


Sont concernés, selon la Cour, tous les traités de libre-échange qui incluent un tribunal spécial pour trancher les litiges entre les investisseurs et les Etats, c'est-à-dire l'ensemble des accords bilatéraux négociés par l'UE depuis le traité de Lisbonne en 2009.

Ces tribunaux d'arbitrage privés - mis en place dans la plupart des accords commerciaux du monde - sont très contestés par les ONG. Ils sont sollicités quand une multinationale ayant investi à l'étranger porte plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts, afin de demander réparation.

Un mécanisme qui a permis à Philip Morris d'attaquer l'Uruguay pour sa politique anti-tabac ou au géant minier Oceanagold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d'exploitation pour raisons environnementales.

Pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), un tel mécanisme ne relève pas de la compétence exclusive de l'UE, mais bien d'une « compétence partagée » avec les Etats membres. « En effet, un tel régime, qui soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des Etats membres ne saurait être instauré sans le consentement de ceux-ci », écrit la CJUE dans un communiqué. Ce point précis rend, selon elle, les accords commerciaux de l'UE « mixtes » et entraîne leur nécessaire ratification par chacun des 38 Parlements nationaux ou régionaux d'Europe. Une procédure qui peut être fastidieuse : il a fallu quatre ans et demi pour ratifier l'accord de libre-échange passé avec la Corée du Sud en 2011.

La Cour de justice était en fait amenée mardi à se prononcer sur l'accord de libre-échange paraphé en 2013 par l'UE avec Singapour, à la demande de la Commission elle-même. Objectif : arbitrer définitivement un conflit d'interprétation avec le Conseil de l'UE, qui représente les Etats, sur les compétences de l'Union en matière commerciale.

La Commission, soutenue par le Parlement, s'estimait « exclusivement compétente » pour conclure cet accord - et par extension les autres accords commerciaux - à l'inverse du Conseil et des Etats membres. L'avis de la Cour étant contraignant, les accords négociés par Bruxelles avec le Japon, le Mexique ou encore le Vietnam devront donc être approuvés par les Parlements. Rien n'empêchera cependant l'UE, une fois les négociations terminées, de proposer une application provisoire ou partielle de ces accords le temps de leur ratification, comme ce fut le cas pour la Corée du Sud.

L'accord négocié avec les Etats-Unis, le TTIP (ou Tafta), actuellement au point mort, voit en revanche son avenir assombri, en raison de la très vive contestation dont il fait déjà l'objet. L'ONG Greenpeace a salué mardi dans un communiqué une « victoire de la démocratie ». « Cela oblige au débat sur les avantages et les dangers des accords commerciaux », s'est-elle félicitée.

« La Commission va maintenant soigneusement évaluer et analyser l'avis de la Cour », a pour sa part réagi Margaritis Schinas, porte-parole de l'institution.

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait, selon lui, « anticipé » cette « issue » quand il a décidé en juillet 2016 de soumettre l'accord commercial UE-Canada, le contesté CETA, à la ratification des Etats membres, a ajouté Margaritis Schinas.

« Le risque (...) c'est que les Etats membres infectent le débat en mélangeant le contenu des accords et les sentiments anti-mondialisation dans leur pays », avait alors prophétisé la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström.

Quelques mois plus tard, en octobre 2016, le CETA était bloqué une dizaine de jours par le seul Parlement de la région belge de Wallonie, au motif que celui-ci touchait à certaines de ses compétences. « La Commission européenne avait plaidé l'inverse, la Cour de Justice nous donne raison », s'est réjoui mardi le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette.

Reste, enfin, la question du Royaume-Uni, dont le futur partenariat avec l'UE, une fois son départ acté, pourrait prendre la forme d'un accord de libre-échange. La Première ministre britannique, Theresa May, aurait aimer régler la question rapidement. Une éventualité aujourd'hui un peu plus incertaine.

Par Clément ZAMPA

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