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13 janv. 2022
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Le modèle du grand magasin face à une nécessaire rénovation en profondeur

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13 janv. 2022

Prenant le pouls de toute une filière, l’International association of department stores (IADS) – qui réunit 12 groupes de grands magasins à travers le monde – publie son livre blanc annuel et se concentre en 2022 sur la gestion des ressources humaines des grands magasins depuis un siècle. Un retour en arrière pour mieux ausculter les défis que ces lieux de shopping historiques doivent aujourd’hui affronter.


Intérieur d'un grand magasin Breuninger - Shutterstock


Intitulée ‘La quête de l’organisation humaine optimale des grands magasins’, l’étude ambitionne de comprendre comment ces commerces ont déjà dû évoluer au fil des années. "A l'heure où les grands magasins connaissent une transformation digitale et doivent s’adapter aux questions de durabilité, il apparait que leur modèle s’est illustré au fil des ans par une réingénierie structurelle constante, répondant à la complexité croissante du marché par une spécialisation accrue et une inflation organisationnelle", contextualise l’IADS, tout en soulignant cependant que les évolutions récentes, "tant théoriques qu’induites par les nouveaux business models digitaux, suggèrent qu’une réinvention plus radicale sera nécessaire à terme pour garantir leur rentabilité".

Jadis, un vendeur par produit

Retour en 1928. En cette année de création de l’IADS, l’organisation rappelle que les structures des grands magasins étaient déjà très complexes, avec de très nombreuses équipes en point de vente, adaptées au grand nombre de catégories produit proposées. Avec le temps, "l’équipe de direction s'est progressivement développée au gré des évolutions managériales et des progrès technologiques, sans sensiblement altérer un modèle devenu de plus en plus anachronique, relate le document. Les organisations sont devenues coûteuses, compliquées et difficiles à transformer".
 
Ces freins au changement deviennent de plus en plus criants dans les années 90, décennie de la naissance d’Amazon (en 1994). L’IADS indique que seuls quelques audacieux ont commencé à investir dans le commerce en ligne (comme Macy’s en 1997 et Nordstrom en 1998). Et pour cause, la plupart des grands magasins "essayaient toujours de résoudre l'équation de la rentabilité au mètre carré en articulant centralisation des achats et délégation des ventes. Même si quelques membres de l'IADS ont étudié d'autres approches, la difficile question posée par cette équation persiste aujourd'hui encore", atteste le livre blanc, ajoutant que cela explique en partie pourquoi "l'adaptation à un monde numérique, très fragmenté et individualisé, a été si épineuse pour les grands magasins".

Une lente adaptation aux nouveaux modes de shopping


 
Dix ans plus tard, en 2015, peu de changements de fonds ont été opérés dans les organisations des grands magasins pour répondre à cette nouvelle donne du e-commerce, alors qu’émerge durant cette décennie le commerce sur mobile. Un contexte qui ajoute "aux difficultés des enseignes qui peinaient à s'adapter aux changements de comportement des clients et au déclin de la génération des baby-boomers". Malgré ce constat, les strates dans ces entreprises sont restées quasi-identiques, avec 4 à 6 rapports directs au PDG, couvrant les domaines classiques de l’activité (finance, achats, immobilier…).

"Il est frappant de constater que la question numérique (quel que soit son nom: digital, e-commerce, omnicanal) n'était pas considérée à l'époque comme stratégique en soi, mais était plutôt intégrée dans un département plus large. Cette difficulté à reconnaître le commerce électronique d'un point de vue organisationnel est la raison pour laquelle seul un membre de l'IADS avait créé un poste assez unique à l'époque, de Chief Transformation Officer, pour relever ce défi", note l’association.


Hall d'un magasin Macy's à New York - Shutterstock

 
Si les grands magasins ont par la suite investi sur le sujet de la digitalisation, la crise sanitaire survenue à partir de 2020 a intensifié leur besoin "d’acquérir rapidement les compétences nécessaires dans un monde omnicanal". Pour l’IADS, cela explique pourquoi ils ont répondu à la complexité croissante des opérations "en augmentant le nombre de rapports directs au PDG, passant par exemple de 11 rapports en 2015 à 18 en 2021. Cette inflation organisationnelle traduit également un manque de clarté sur le sens de la ‘transformation numérique’: la réponse sera radicalement différente si elle est abordée à travers chacune de ses composantes (plateformes, canaux, technologies, produits…) plutôt qu'à travers une approche plus holistique."
 
C’est-à-dire en réorganisant leur structure entière dans un "état d’esprit numérique" (ou digital mindset), ou en recrutant un responsable de la transition numérique? Si la deuxième solution apparait plus simple à mettre en place, "le périmètre de ces nouveaux postes n’engendre que rarement une remise à plat de l'organisation dans son ensemble, et se limite le plus souvent à injecter des innovations technologiques créant au mieux un plus de complexité et au pire à faire émerger un silo supplémentaire".

Donner le pouvoir en local, ou centraliser les bonnes pratiques?


 
Quoi qu’il en soit, les entreprises du secteur cherchent toutes à évoluer sur le sujet de l’omnicanalité. Concernant la problématique précise du parcours client, l’IADS cite des approches différentes réalisées par deux de ses membres en 2021, sans les nommer: l’un délègue "le pouvoir de changer les organisations au niveau du magasin en créant un nouveau poste avec des prérogatives étendues et la possibilité de revoir les méthodologies opérationnelles", tandis que l’autre a initié "un nouveau poste au niveau du siège, poste dont le rôle consiste à détecter les idées potentiellement intéressantes au sein de l'entreprise et à les mettre en œuvre dans un processus de test & learn, permettant, en cas de succès, la définition d'un nouveau parcours client".
 
Pour l’organisation, ces initiatives montrent "la place centrale" que peut tenir l’innovation organisationnelle au sein des structures préexistantes. Mais plus que de petits changements, une rénovation radicale est aujourd’hui nécessaire, selon l’IADS: "Cette réinvention requiert du courage et de l'obstination de la part des équipes dirigeantes, car elle implique une vision à long terme (planification stratégique), une remise en question en profondeur (découplage d'activités centenaires) et la capacité de transformer des organisations mécaniques en corps sociaux plus organiques".

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